La Séquence Aardtman - Saul Pandelakis

Allons droit au but : Saul Pandelakis semble avoir parfaitement saisi l’esprit du temps, pour l’envoyer vers un XXIIème siècle dans lequel l’humanité s’éteint doucement, tandis que les bots conscients prennent leur essor après avoir obtenu leur émancipation. Je ne sais pas si La Séquence Aardtman fera date, mais je serais prêt à en prendre le pari. Ceci posé, continuons. L’humanité, qui semble avoir renoncé à s’adapter à la Terre et s’irrite de la vitalité des bots, envoie des vaisseaux habités vers l’espace lointain dans un hypothétique espoir de terraformation. Roz, homme transgenre, se trouve à bord d’un de ces bâtiments, l’ari-me. Peu sociable, il y travaille comme informaticien, en charge notamment de la maintenance de l’intelligence artificielle. Asha, elle, est une bot et se trouve sur Terre. Spécialiste de la notion de “corps bot”, elle a été assignée homme lors de son incarnation. Elle côtoie le milieu universitaire et le milieu militant, des humains et des bots, et se débat constamment avec ses propres contradictions. Suite à un événement survenu à bord de l’ari-me, elle va être amenée à discuter avec Roz. ...

21.05.2023

Trois Lucioles - Guillaume Chamanadjian

Trois Lucioles, c’est un joli nom. Sorti il y a environ un an, ce roman est la suite du Sang de la Cité et fait partie de la double trilogie de La Tour de Garde. Pour rappel, nous y lisons parallèlement deux histoires, celle de la Capitale du Sud, écrite par Guillaume Chamanadjian, et celle de la Capitale du Nord écrite par Claire Duvivier. Le tout se déroule dans un univers de type fantasy tendance époque moderne. Cap au sud donc, pour y retrouver la cité de Gemina et notre protagoniste Nox, non pas exactement là où nous les avions laissés, mais plutôt quelques mois plus tard. S’agissant d’un tome charnière de la saga au même titre que Mort aux Geais ! de Claire Duvivier, je ne m’appesantirai pas sur son intrigue. Je peux par contre dire que ce roman est à l’image de la saga : ambitieux mais pas boursouflé, simple mais certainement pas simpliste. Il se lit comme une évidence et je n’ai que du bien à dire de son intrigue générale, de ses personnages et de son univers quasiment “graphique” qu’on n’a aucun mal à visualiser (un effet grandement aidé par les superbes couvertures). ...

01.05.2023

Annihilation - Jeff VanderMeer

Mes expériences avec la weird fiction n’ont pas toujours été de franches réussites. Pour m’attaquer à Jeff VanderMeer (qu’on pourrait qualifier de pape du genre), je me suis dit que commencer par ce petit roman d’un peu plus de 200 pages serait une bonne idée. Alors oui, je n’ai tenu qu’une demi-heure devant l’adaptation d’Annihilation par Netflix, mais c’est davantage la frousse qui m’a fait renoncer, plutôt qu’une quelconque opinion sur le film. Une bonne occasion de vérifier que je supporte mieux l’horreur dans un bouquin que devant un écran. Résumons donc : une zone étrange, comme coupée du monde, a fait irruption quelque part aux Etats-Unis. Depuis cette apparition, les autorités y envoient régulièrement des expéditions afin d’en apprendre plus sur ce qu’elle contient. C’est une biologiste, membre d’une équipe exclusivement composée de femmes, qui nous raconte cette histoire. Elle revient sur son expérience dans la zone, dès les premiers pas à l’intérieur, et nous révèle aussi une partie de son passé. ...

08.04.2023

La Justice de l'ancillaire - Ann Leckie

Dans ma quête apparente de lire l’entièreté des prix Hugo (du meilleur roman) de la décennie 2010, voici le millésime 2014 : La Justice de l’ancillaire, premier tome de la trilogie des Chroniques du Radch, par Ann Leckie. A part le fait qu’on y retrouve quelques poncifs du space opera, comme un vaste empire galactique et des consciences artificielles, une de ses principales particularités est l’impossibilité d’y connaître avec certitude le genre des personnages (tout simplement car, dans cet univers, cela n’a généralement pas d’importance). Et ça, c’est très intéressant. Pourtant, au cours de ma lecture, j’ai beaucoup pesté sur des choix grammaticaux flous (que je mets sur le compte de la traduction, sans pouvoir en être sûr à 100%), créant un inconfort qui semblait pourtant évitable. Ce n’est bien sûr pas l’incertitude de genre qui m’a gêné, plutôt la façon dont elle est retranscrite. Face à des problématiques semblables, les décisions grammaticales prises par exemple dans Terra Ignota d’Ada Palmer ou After® d’Auriane Velten m’ont paru plus évidents. Les choix opérés ici me laissent donc perplexes, toutefois je salue la tentative de retranscrire la confusion ressentie par le, ou la, protagoniste, lorsqu’il s’agit de manier les pronoms. Si le résultat ne paraît pas optimal, l’impression créée semble, bizarrement, presque voulue. ...

02.04.2023

La Porte des Enfers - Laurent Gaudé

Il y a longtemps que je lorgnais sur Laurent Gaudé, non pas en raison de ses prix littéraires, mais parce que c’est le frère d’Ivan, l’estimé cofondateur du magazine Canard PC. Lorsque la journaliste Julie Le Baron (nouvelle rédactrice en chef - bravo - du magazine en question) a dit le plus grand bien de La Porte des Enfers, je me suis dit que je commencerais par celui-là, intrigué que j’étais par son côté fantastique et surtout parce qu’il en fallait bien un. Cette histoire commence en 2002 à Naples par la vengeance de Pippo, mort - attention - en 1980 à six ans lors d’une fusillade. Il n’est pas vraiment nécessaire d’en révéler davantage, tout comme il est déconseillé de lire la quatrième de couverture (de l’édition poche Acte Sud en tout cas) qui vous révèlera les deux tiers du roman. L’histoire alterne donc entre 1980, où nous suivons les parents de Pippo en proie au deuil, et 2002, où un Pippo bien vivant en a gros sur la patate. Pourquoi ? Comment ? Plus que cette question bien légitime, il s’agit ici de ressentir la peine, la peur et le dégoût, mais aussi, dans un autre registre, les ruelles encombrées de Naples, l’odeur du café et l’inéluctabilité de la mort. A l’instar des personnages de ce livre, on y cherche des étincelles de vie dans un océan de crasse et de désespoir : l’enfer, ici, est à prendre au sens propre comme au sens figuré. Et comme souvent, on trouvera des lueurs dans les marges. Ce n’est pas un roman très rigolo, par contre il se lit rapidement. ...

05.03.2023

Dernière nuit à Montréal - Emily St. John Mandel

L’an passé, j’ai découvert la Canadienne Emily St. John Mandel via son dernier roman paru en français, L’hôtel de verre, que j’ai adoré. C’est donc moins de six mois plus tard que je me suis attaqué à son premier livre, Dernière nuit à Montréal. Là encore, il s’agit d’une sorte de polar. En fait, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer plusieurs similitudes entre les deux œuvres, à commencer par une certaine obsession pour le verre et la présence éventuelle du fantastique, qui pourrait tout aussi bien relever de la folie de l’un ou l’autre personnage. L’histoire, ici, se concentre sur Lilia, jeune femme qui a soudainement quitté l’appartement dans lequel elle vivait depuis peu avec Eli, son compagnon, qui se met ainsi en quête de la retrouver. De Lilia, nous en apprenons davantage au fur et à mesure de la lecture via des flash-backs, en commençant par son enlèvement lorsqu’elle avait sept ans. L’intrigue enchaîne donc entre le passé d’une Lilia perpétuellement en fuite à travers les Etats-Unis et le présent d’un Eli de plus en plus égaré, selon un rythme qui donne l’impression d’un étau se resserrant progressivement autour du dénouement. ...

11.02.2023

Trames - Iain M. Banks

Note du Noni de 2025 : j’ai remanié le début de ce billet paru initialement dans l’enthousiasme de la sortie de ChatGPT et qui a rapidement beaucoup trop mal vieilli à mon goût. Quand on s’attaque à Trames et qu’on le compare aux sept bouquins du cycle de la Culture parus auparavant, il y a quelque chose qui frappe d’emblée : son épaisseur. Mais avant d’aller plus loin, je vais me faciliter la vie en laissant à Wikipedia le soin d’expliquer ce qu’est la Culture : “La Culture est une civilisation pan-galactique inventée par Iain Banks au travers de ses romans et nouvelles de science-fiction. […] Il s’agit d’une société anarchiste : ni loi, ni hiérarchie, ni argent, ni propriété. Elle compte trente mille milliards de citoyens, mêlant dans une totale égalité humains, extraterrestres, drones et intelligences artificielles. La Culture est une société post-pénurie vivant une économie de l’abondance : ses techniques de pointe offrent une richesse matérielle pratiquement illimitée et le confort à tous, gratuitement, et elle a quasiment supprimé la notion de biens.” ...

29.01.2023

Mexican Gothic - Silvia Moreno-Garcia

Mexican Gothic est un roman que j’ai offert à ma maman car j’en avais entendu beaucoup de bien et que rien de tel qu’un bon livre d’horreur pour raffermir les liens familiaux. Pas de chance : l’ouvrage n’a pas plu. Défait d’avoir causé l’ennui, je me suis procuré l’objet du crime pour l’inspecter de plus près, même s’il ne s’agit pas vraiment de mon genre de prédilection. Son autrice, la Mexicaine Silvia Moreno-Garcia, y déroule une histoire entre le fantastique et l’horreur dans les années 1950. Noémi, une jeune femme de Mexico, reçoit un appel à l’aide de sa cousine Catalina sous la forme d’une lettre bizarrement rédigée, et se voit dans l’obligation d’aller lui rendre visite pour s’assurer de sa bonne santé, notamment mentale. Destination : un manoir isolé à flanc de montagne, où Catalina vit avec son mari et la famille de ce dernier. ...

21.01.2023

Meilleures lectures de 2022

C’est l’heure du petit bilan de mes lectures favorites de cette année. Moins de livres lus que précédemment (même si quelques pavés viennent nuancer cette impression), mais quelques belles découvertes ou confirmations dans le lot. Si je ne devais en garder qu’un, ce serait L’hôtel de verre, par Emily St-John Mendel. Une lecture estivale, mais pas légère pour autant, entre le thriller et le policier, dotée d’un fond très politique (tendant vers la finance) auquel s’ajoute un mystère un peu chelou. J’ai découvert l’autrice pour l’occasion, et je suis très content de savoir que tous ses autres livres m’attendent. Un souvenir nommé empire et Une désolation nommée paix, par Arkady Martine. Ces deux livres forment la série Teixcalaan, du space opera efficace qui n’oublie pas de creuser ses sujets, ses personnages et les relations entre ces derniers. Le résultat est carrément prenant. ...

30.12.2022

Un homme d'ombres - Jeff Noon

Je conserve de très bons souvenirs de Vurt et de Pollen, livres de l’Anglais Jeff Noon sortis respectivement en 1993 et 1995. Ces lectures datant d’une petite dizaine d’années, je les mélange probablement un peu. Elles font néanmoins surgir des souvenirs d’une ville de Manchester hallucinée, de prises de drogues étranges et de récits à la fois fascinants et difficiles à suivre. Ainsi, quand j’ai entendu parler d’Un homme d’ombres, paru en français aux éditions La Volte en 2021, mon intérêt s’est réveillé. La promesse : un mélange de polar et de new weird (littéralement traduit par “nouveau bizarre”, il s’agit d’un genre apparenté à l’imaginaire, qui nous emmène généralement dans une ville étrange pleine d’éléments surréalistes ou fantastiques, en gros). J’ai une relation contrariée avec le new weird, genre que j’aimerais beaucoup adorer, mais dont j’ai apparemment du mal à appréhender la relative difficulté d’accès. J’ai évoqué ici il y a un an ma perplexité vis-à-vis de Vorrh, mais je conserve également un douloureux souvenir de ma lecture de Perdido Street Station, monument du genre que j’avais interrompu à la moitié. En gros je suis un peu vexé de ne pas pouvoir clamer haut et fort mon amour pour le bizarre. Pour autant, il est indéniable que ces oeuvres laissent une trace dans l’esprit des lecteurs et lectrices qui s’y frottent. ...

16.12.2022