
Quand j’ai entendu parler de ce livre, le deuxième roman de Phoebe Hadjimarkos Clarke, ma curiosité a immédiatement été attisée. C’est l’histoire de Fauvel, une femme qui, la vie en vrac après avoir été éborgnée lors d’une manifestation, quitte temporairement la ville pour la campagne française. L’objectif : garder pendant quelques semaines la chienne du père d’une amie et profiter du calme environnant. Cette chienne, Hannah, est toutefois un peu spéciale : c’est une clone de Hannah (l’originale), dont le cadavre empaillé orne le salon. Si leurs physiques sont identiques, leurs caractères diffèrent. C’est en effet peu dire que Hannah (la clone) est très indépendante et volontiers menaçante. Comme si ça ne suffisait par pour troubler ce qui devait être une retraite paisible, les activités d’un troupeau de chasseurs dans les environs ne sont pas de nature à rassurer Fauvel.
Compte tenu des aspects sociaux abordés par le roman et des lieux dans lesquels l’histoire se déroule (la campagne un peu isolée, un peu réac et occupée par des chasseurs tout puissants), je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Minuit dans le siècle, un podcast consacré à la décortication du fascisme, en particulier à son épisode 20 que je pose ici : Aux sources du vote FN/RN (2) : concurrences et solidarités dans les campagnes en déclin. Quant à l’intervention dans cette histoire d’un jeune sociologue revenu au village pour enquêter sur des témoignages d’enlèvements extraterrestres, elle ajoute une dose de bizarre à ce roman qui n’est pas sans m’en rappeler un autre, qui lui aussi traite de sociologie, d’enlèvements extraterrestres (?) et de fascisme : OVNI 78 du collectif Wu Ming. Aliène, toutefois, s’attarde davantage sur la violence proprement masculine et se passe - à peu de choses près - de nos jours, dans un contexte post-gilets jaunes. Il traite aussi explicitement, crûment, de la condition animale, ce qui pourrait bien en faire un roman vegan.
Par son écriture, Phoebe Hadjimarkos Clarke arrive à rendre tangibles les environnements et les corps, ce qui n’est pas sans donner une dimension supplémentaire à Aliène. Tout cela en fait un roman bizarre, sec et violent, mais aussi touchant par certains abords, notamment la relation qui se noue entre Fauvel et Hannah. En gros, c’est un roman qui m’a beaucoup plu et qui m’a donné envie de suivre la carrière de cette autrice. Je commencerai par essayer de me procurer Tabor, son premier livre sorti en 2021.
Sortie : 2024