Annihilation - couverture

Mes expériences avec la weird fiction n’ont pas toujours été de franches réussites. Pour m’attaquer à Jeff VanderMeer (qu’on pourrait qualifier de pape du genre), je me suis dit que commencer par ce petit roman d’un peu plus de 200 pages serait une bonne idée. Alors oui, je n’ai tenu qu’une demi-heure devant l’adaptation d’Annihilation par Netflix, mais c’est davantage la frousse qui m’a fait renoncer, plutôt qu’une quelconque opinion sur le film. Une bonne occasion de vérifier que je supporte mieux l’horreur dans un bouquin que devant un écran. Résumons donc : une zone étrange, comme coupée du monde, a fait irruption quelque part aux Etats-Unis. Depuis cette apparition, les autorités y envoient régulièrement des expéditions afin d’en apprendre plus sur ce qu’elle contient. C’est une biologiste, membre d’une équipe exclusivement composée de femmes, qui nous raconte cette histoire. Elle revient sur son expérience dans la zone, dès les premiers pas à l’intérieur, et nous révèle aussi une partie de son passé.

Une chose étonnante, c’est que je ne m’attendais pas à ce que ce roman me rappelle à ce point deux BD franco-belges du siècle dernier. Il y a tout d’abord un fameux album de Spirou et Fantasio par Tome et Janry, La vallée des bannis (1989), dans lequel notre couple de héros se retrouve piégé dans une contrée étrange, coupée du monde, extrêmement dangereuse et peuplée de bestioles bizarres. La norme est d’y sombrer dans la folie et d’y mourir, ce qui n’est pas le moindre des points communs avec ce roman. Enfin, plus paisible : En direct de la gaffe (1974), de Franquin et Delporte, et plus précisément une série de chroniques racontant comment le gaffophone est progressivement colonisé par tout un écosystème, obligeant Gaston à renoncer (temporairement) à y jouer. La lutte brutale pour la survie dans un cas, l’observation méticuleuse d’une vie inattendue dans l’autre : je persiste à penser qu’il y a bien quelque chose.

Annihilation est court et dense. Rempli de péripéties, il se lit très rapidement, ce à quoi la weird fiction ne m’a pas vraiment habitué. Pour autant, l’étrangeté, le bizarre et l’incompréhension sont bien présents. A la fois hostile et fascinante, la zone est finalement plus étonnante qu’effrayante, angoissante à la limite. Enfin, même s’il s’agit du premier tome d’une saga (La trilogie du rempart sud), ce roman se tient très bien tout seul. On n’y obtient quasiment aucune réponse, mais ce n’est pas comme s’il fallait s’attendre à autre chose (je serais d’ailleurs surpris d’y voir plus clair à la fin des trois bouquins). Très curieux de voir ce que contient la suite, cela dit.

Titre original : Annihilation / Sortie originale (anglais) : 2014 / Version française : 2016 (traduction : Gilles Goullet)