Au carrefour des étoiles - couverture

Les traductions, c’est tout un débat. Qu’est-ce qu’une bonne traduction ? Que perdons-nous exactement à lire un livre traduit plutôt que sa version originale ? En ce qui me concerne, aucune idée (ou si peu). En tout cas, Au carrefour des étoiles, classique de la science-fiction écrit par Clifford D. Simak en 1963, est justement ressorti cette année assorti d’une nouvelle traduction française, signée Pierre-Paul Durastanti. Gardant un très bon souvenir de Demain les chiens, autre classique de la SF du même auteur (également retraduit, par le même traducteur, en 2013), je me suis penché dessus. Il raconte l’histoire d’Enoch Wallace, un vieux monsieur largement centenaire et pourtant toujours fringuant, reclus dans une ferme au fin fond du Wisconsin. Ni l’homme, ni la ferme ne vieillissent, et pour cause : l’endroit sert de relais spatial pour une vaste civilisation galactique. Concrètement, grâce à une technologie fort complexe, des voyageurs extraterrestres y font régulièrement escale, avant de continuer leur chemin vers une destination lointaine. Depuis des décennies, Enoch Wallace s’acquitte de sa tâche de gardien avec application et s’est même fait quelques amis parmi ses hôtes de passage. Sa jeunesse prolongée suscite par contre des interrogations dans son village, ainsi qu’en plus haut lieu.

Cette histoire, maintenant vieille de plus d’un demi-siècle, est fortement marquée par la guerre froide et les craintes de l’époque, mais s’avère facilement transposable à la nôtre et n’accuse pas tellement son âge (à quelques exceptions près, évidemment). Malgré son rythme un peu lent et posé, elle n’est jamais ennuyeuse. Au contraire, il est difficile de ne pas être fasciné par le quotidien étrange d’Enoch Wallace et la variété foisonnante d’êtres qu’il rencontre sans jamais bouger de chez lui, sans jamais rien réclamer. En prime, les questions qu’elle pose sont vastes (en vrac : qu’est-ce qui définit l’humanité ? Qu’est-ce qui définit un individu ? Comment interagir avec l’Autre ?), mais l’auteur réussit à les aborder sans être prétentieux. Au fond, je n’avais pas lu la première traduction, mais peut-être bien que ça valait le coup d’en produire une nouvelle.