Avec Les Champs de la Lune, Catherine Dufour revient à la science-fiction par le biais de l’agriculture. Et oui. El Jarnine est fermière : sous le dôme de la ferme Lalande (à la surface de la Lune) elle cultive de quoi nourrir la population d’une ville construite sous la surface. Elle transmets ses desiderata aux autorités par des rapports réguliers et est fort contrariée car on lui reproche l’aridité de ces derniers. Qu’à cela ne tienne, si c’est ainsi elle les rédigera plus joliment. Peut-être cela les incitera-t-il à l’écouter ? Entre la fissure dans son dôme qui grandit lentement et la drôle de plante qui envahit le paysage lunaire, il y a bien des motifs d’inquiétude. Et c’est sans compter la fièvre aspic, une épidémie qui fauche les gens sans motif apparent.
D’abord succincts, les rapports d’El Jarnine gagnent en consistance à mesure qu’elle apprend à manier la langue. Au début, c’est un personnage solitaire : seul son chat Trym converse de temps en temps avec elle. Puis, elle semble s’éveiller à quelque chose de nouveau par un mécanisme qui m’a rappelé La Deuxième vie d’Aurélien Moreau - un roman de Tatiana Arfel sans rapport avec la science-fiction. Elle rencontre ainsi Sileqi, une petite humaine prise de passion pour la botanique.
Les Champs de la Lune déploie une sorte d’onirisme réaliste très maîtrisé. Onirisme car on y perçoit des paysages époustouflants parcourus par une faune proprement lunaire née de la présence humaine sur place. Des tableaux qui incitent à la rêverie. Réaliste car cette histoire nous montre la vie des habitants des cités lunaires en abordant des thématiques sociales, politiques et écologiques : on peut y croire et s’y projeter. Au fil de celle-ci, on partage les inquiétudes et étonnements d’El Jarnine. On comprend, avec elle, qu’il y a ici un mystère à résoudre. On s’extasie devant les merveilles bio-punk de ce fragile monde lunaire. Parfois on crie d’émotion. Après Au bal des absents, c’est bel et bien une nouvelle merveille qu’a écrit Catherine Dufour.
Sortie : 2024