Le créateur de poupées - couverture

D’habitude, j’écris sur un livre peu de temps après l’avoir terminé. Je fais ici exception car je me suis surpris à évoquer celui-ci récemment alors que la conversation virait bizarrement sur le sujet des poupées (la vie réserve parfois ce genre de surprises). Deux mois après sa lecture, Le créateur de poupées, de la britannique Nina Allan et conseillé par la Salle 101 (dont les nouvelles émissions se font attendre), continue semble-t-il de me hanter.

Concepteur et collectionneur de poupées, Andrew entretient une correspondance avec Bramber Williams, que l’on devine résidente d’un hôpital psychiatrique. L’un comme l’autre partagent une passion commune pour Ewa Chaplin, rédactrice de nouvelles gothiques et, elle-aussi, créatrice de poupées. Personnage singulier de très petite taille (qui se qualifie lui-même de nain), Andrew se met soudain en tête d’aller retrouver sa bien-aimée Bramber sans la prévenir au préalable. Le roman nous raconte donc son cheminement de pensée, sa vie et son voyage en train de Londres vers une institution perdue au milieu de rien. A chaque étape de son périple, il en profite pour lire une des nouvelles d’Ewa Chaplin, qui parsèment le roman comme autant de mises en abyme. On alterne ainsi les pensées d’Andrew, sa correspondance avec Bramber, et les nouvelles écrites par cette artiste imaginaire.

Ce qui me reste de ce roman aujourd’hui, c’est le sentiment ambivalent de ne pas avoir passé un très bon moment. Certainement pas en raison d’une écriture de mauvaise qualité, plutôt à cause d’un malaise volontairement instillé du début à la fin par Nina Allan. Les poupées, les lieux visités par Andrew, sans parler des nouvelles qui rythment le récit (ou l’interrompent, selon le point de vue), l’impression générale qui s’en dégage confine au sinistre. D’ailleurs, si ces dernières appartiennent clairement au genre fantastique, force est de constater que le doute persiste quant à l’univers dans lequel Andrew évolue. La frontière entre les deux est en quelque sorte poreuse, une impression renforcée par le fait qu’Ewa Chaplin et Andrew partagent le même genre d’obsessions.

Le plus étonnant, finalement, c’est encore que cette histoire ait suscité chez moi autre chose que de l’indifférence polie, alors que franchement, la campagne britannique et les poupées : je m’en fiche éperdument. C’est donc là un roman très particulier, capable de marquer les esprits grâce à son ambiance grisâtre et ses thématiques troublantes. Le résultat est peu idéal pour restaurer le moral vacillant d’une fin d’hiver, mais s’oublie difficilement.

Sortie originale (anglais) : 2019 / Version française : 2021 (traduction : Bernard Sigaud)