L'homme des jeux - couverture

Pour aborder Le sens du vent, je vais procéder en deux étapes. La première : décrire le cycle de la Culture, écrit par l’auteur écossais Iain M. Banks, et la Culture elle-même. Composé de neuf romans et d’un recueil de nouvelles, on peut déjà commencer par dire qu’il s’agit de science-fiction. L’ensemble peut a priori (a priori parce que je n’en ai lu que sept à ce jour) se lire dans n’importe quel ordre, mais je suis personnellement très content d’avoir commencé il y a cinq ans par L’homme des jeux, qui correspond au premier tome en parution française. Chaque histoire est donc indépendante et ses personnages différents. Le contexte, par contre, ne change pas. C’est là que je tente d’expliquer ce qu’est la Culture : une civilisation humaine (au moins en partie) étendue à travers la galaxie, disposant de ressources illimitées (où le concept de pénurie n’est plus qu’un lointain souvenir), qui se définit comme anarchiste, pacifiste et hédoniste. Enfin, si les humains y sont innombrables, ils ont globalement laissé les rênes de leurs joyeux destins aux Mentaux, des IA qui dirigent leurs planètes, leurs vaisseaux et leurs stations orbitales, avec sagacité, humour et, parfois, mesquinerie. Or rien de tout cela n’est foncièrement un enjeu. Les romans du cycle veulent nous parler d’autre chose. Si la Culture nage dans la paix, l’opulence et le bonheur, on ne peut en effet pas en dire autant de toutes les civilisations extra-terrestres qu’elle côtoie et qui, parfois, tentent de s’y frotter. Ainsi, elle ne peut s’empêcher d’essayer de manipuler son environnement direct, pour son bien (évidemment). A cette fin, elle s’est dotée d’un service diplomatique, “Contact”, dans lequel se trouve un service plus obscur, les “Circonstances Spéciales”, acteur récurrent du cycle.

Le sens du vent - couverture

Et j’en viens à ce Sens du vent, septième parution du cycle, sorti en 2000. J’en étais resté au recueil L’Etat des Arts, que j’avais trouvé un peu faiblard. Ici, par contre, permettez-moi, mais : wow. Si quelque chose démarque ce roman, c’est peut-être la notion de gigantisme, à commencer par cette immense (oui, immense) station orbitale Masaq’, qui sert en bonne partie de cadre à l’histoire, et dont la grandiose description nous est déroulée progressivement tout au long du roman. Quant au terme de “béhémothaure dirigeable”, je n’en dirai pas plus, si ce n’est qu’il correspond à une des plus merveilleuses inventions que j’aie lu en science-fiction depuis longtemps. Mais cela ne suffirait pas sans une bonne histoire. Il est ici question d’un grand compositeur extraterrestre, Ziller. Celui-ci habite sur Masaq’ et s’apprête à dévoiler une nouvelle symphonie lors d’un événement très spécial suivi par des milliards de personnes. Il n’a pas mis les pieds depuis des années sur sa planète d’origine, ravagée par une guerre civile, et ne veut d’ailleurs plus en entendre parler. Or, pour son plus grand déplaisir, un émissaire de son espèce serait en route pour le rencontrer. Cette histoire nous fait donc suivre, d’une part les pérégrinations de Ziller sur Masaq’, d’autre part celles de Quilan, l’émissaire, pendant et avant sa mission.

S’il y a quelque chose que j’aime particulièrement dans le ton des romans de ce cycle, c’est qu’ils me font souvent rire. Iain M. Banks réussit à créer des personnages plus humains que nature, particulièrement quand ce sont des machines ou des extra-terrestres. Ziller, personnage cultivé, bourru, inquiet, sur la défensive et sarcastique, n’en est qu’un exemple parmi d’autres. On rit, mais des thèmes graves sont abordés, car le fond de ce Sens du vent, ce sont les conséquences d’une terrible guerre civile et le sentiment d’injustice qu’elle fait naître chez ses victimes. On se retrouve donc avec un roman situé dans des lieux proprement dantesques, souvent drôle, abordant pourtant des sujets tragiques, le tout avec un sens du suspense et de l’intrigue millimétré. Voilà, j’ai adoré.