
New Salem, Etats-Unis, fin du XIXème siècle. La révolution industrielle bat son plein et la puissance des sorcières n’est plus qu’un souvenir brumeux. Dans ce contexte, trois soeurs séparées depuis sept ans se retrouvent par hasard. Bella est désormais bibliothécaire, Agnès ouvrière - et enceinte. Quant à Genièvre, la benjamine, fugitive et pleine de colère, elle vient de fuir leur père violent pour la dernière fois. Elle assiste à une manifestation des suffragettes - qu’elle compte bien rejoindre - lorsqu’un incident provoqué par Bella ravive l’espoir de rendre aux femmes leurs anciens pouvoirs.
Avec ses nombreuses références aux contes traditionnels, Le temps des sorcières est un roman de fantasy qui se situe dans notre monde, lequel est juste un peu altéré par l’existence de la sorcellerie. Il fait aussi plus de 700 pages, ce qui est certes un peu long mais donne tout loisir à l’autrice américaine Alix E. Harrow de déployer son récit et ses personnages comme elle l’entend. Chaque soeur a ainsi droit à son propre arc narratif, qu’il s’agisse du chemin vers la maternité pour Agnès, de la rencontre foudroyante avec l’éblouissante Cléo pour Bella, ou des initiatives politico-révolutionnaires de Genièvre, toujours dangereuses mais guidées par une rage infinie. Quant au principal antagoniste de l’histoire, c’est une espèce de christo-fasciste avant l’heure, tout ce qu’il a de plus inquiétant, sans compter l’ombre du père violent qui plane sur les trois soeurs.

Je crois avoir fait les choses bien en lisant ce roman en novembre afin de profiter de l’ambiance automnale, pourtant il ne m’a pas totalement renversé. Peut-être n’étais-je simplement pas la cible première, en raison notamment de mon relatif désintérêt pour les contes. Son déroulé, pourtant bien rythmé, ne m’a pas vraiment surpris non plus, ni donné envie de m’y attarder plus que nécessaire. Il m’a toutefois plu par d’autres aspects, à commencer par sa belle variété de personnages, tous très bien caractérisés (le boitillement de Genièvre, constamment cramponnée à son bâton, en est un bel exemple). Et puis la ville de New Salem et ses différents quartiers, vivante, pleine de mystères et de menaces, est très réussie. C’est enfin un récit politique, celui d’un combat pour l’émancipation dont les échos avec notre époque sont évidents, et on ne va pas s’en plaindre.
Titre original : The Once and Future Witches / Sortie originale (anglais) : 2020 / Version française : 2022 (traduction : Thibaud Eliroff)