
Prévenons d’emblée : je n’ai pas du tout aimé ce livre. Au début, j’étais pourtant curieux : Nell, la protagoniste, enquête sur la présence incongrue d’une vieille carte routière dans les affaires de son père. Une carte sans intérêt qui, elle n’a jamais compris pourquoi, lui a valu son renvoi de la prestigieuse New York Public Library. L’événement a brisé sa carrière et sa vie d’autant plus violemment que c’est son propre père qui l’a mise dehors. Jusqu’ici, on a affaire à un mystère teinté d’affaire de famille assez banal, mais s’ajoute à cela une dimension fantastique quant à la nature des cartes elles-mêmes.
Cet aspect fantastique puise son inspiration dans une anecdote que l’autrice raconte dans la postface. Une super anecdote historique, à vrai dire : l’histoire d’Agloe, un village imaginaire inscrit sur une carte dans le but de détecter d’éventuelles copies de celle-ci (car si le village n’existe pas il n’a aucune raison de figurer sur des cartes de concurrents). Or des habitants de la région ont fini par s’approprier son nom, le faisant ainsi exister. J’adore l’idée, j’aime malheureusement beaucoup moins ce qu’elle devient dans ce roman. Je n’ai tout simplement pas réussi à y croire, alors que je ne demandais que cela.
Dans ce qui n’a pas marché sur moi, citons le fait que Peng Shepherd en fait des tonnes pour nous faire comprendre que la cartographie est un métier vraiment très important. Pourtant, on a l’impression de rester à la surface des choses, qu’il pourrait tout aussi bien s’agir de plomberie ou de fleuristerie. Certains éléments semblent par ailleurs intégrés au chausse-pied. L’autrice invente par exemple une multinationale si puissante qu’à côté d’elle Google est un petit machin. Très bien, mais on distingue difficilement son rôle concret dans cet univers. Quelles sont ses applications ? Quel usage en font les gens ? On n’en saura pas grand chose : elle ne sert finalement qu’à permettre à l’histoire d’avancer. On pourrait cela dit s’en contenter, laisser l’imagination jouer son rôle et se concentrer sur d’autres angles plus réussis.
Ca tombe bien, l’intrigue se concentre au fond sur des enjeux plus intimistes, à savoir la jeunesse des parents de Nell et leurs années étudiantes au sein d’un groupe d’ami.e.s soudé.e.s. Alors là c’est simple, j’ai détesté tous les personnages, toutes leurs décisions et jusqu’à leurs états d’âmes. Je ne m’explique pas tout à fait ce rejet, mais leur mièvrerie et leur artificialité doit jouer un rôle là-dedans. Bon. Est-ce que le suspense de l’histoire pourrait sauver tout ça ? Là-dessus, je suis partagé. D’un côté, j’ai bel et bien tourné les pages jusqu’à terminer le livre (malgré tout), de l’autre j’ai quand même vu venir de loin les principaux twists. En fait, il y en a bien un qui m’a surpris, mais il m’a mis en colère tellement je l’ai trouvé bête.
Alors voilà, on dirait bien qu’il y a un malentendu quelque part. Pour ma défense, je fais généralement plutôt confiance à la collection Albin Michel Imaginaire à laquelle appartient ce roman. D’ailleurs, si j’en crois quelques chroniques (prenons celle-ci par exemple), il peut tout à fait fonctionner chez des lecteurs et lectrices à la recherche d’un thriller efficace teinté d’imaginaire. En ce qui me concerne, je suis passé totalement à côté.
Titre original : The Cartographers / Sortie originale (anglais) : 2022 / Version française : 2023 (traduction : Anne-Sylvie Homassel)