
L’autrice argentine Mariana Enriquez est surtout connue par ici pour son pavé Notre part de nuit, mais on va s’intéresser cette fois-ci à un recueil de nouvelles d’horreur publié cette année en français (mais il y a seize ans en espagnol) : Les dangers de fumer au lit. Des nouvelles d’horreur dont certaines, très sensorielles, n’hésitent pas à nous balancer de la merde, du sang ou du vomi à la figure (rarement les trois à la fois, heureusement). Je pense par exemple à Rambla triste et ses odeurs fétides, Le caddie qui raconte la décrépitude soudaine de tout un quartier, Viande et ses groupies hardcore (vraiment hardcore) ou encore Où es-tu mon cœur ? qui, avec son histoire de meuf obsédée par les organes cardiaques, m’a été difficilement supportable.
D’autres encore (comme la nouvelle éponyme, Le puits, Ni anniversaires ni baptêmes ou La Vierge des tufières) sont moins répugnantes que psychologiques, quoique ça puisse franchement se discuter. Et puis il y a celles qui vont plutôt chercher du côté des fantômes et des morts-vivants, comme L’exhumation d’Angelita, qui ouvre le recueil et que j’ai trouvé plutôt mignonne, Les petits revenants (de loin la nouvelle la plus longue, pas avare en angoisse) et Quand on parlait avec les morts. En plus de leur intense capacité d’évocation, les histoires de Mariana Enriquez intègrent toute une diversité de situations sociales et nombreux sont les personnages marginaux et/ou fragilisés qui les peuplent. Chaque histoire a son sous-texte, qu’il s’agisse d’évoquer l’extrême pauvreté, la maladie, les troubles psy, l’exploitation des enfants, la prostitution, les addictions, j’en passe et des pires. Bref : un recueil dégueulasse, malin et stylé.
Titre original : Los peligros de fumar en la cama / Sortie originale (espagnol) : 2009 / Version française : 2023 (traduction : Anne Plantagenet)