
Selon Wikipédia, les anémones de mer “sont un ordre d’animaux marins au corps mou et très musclé” (difficile maintenant de ne pas les imaginer soulever de la fonte à la salle), qui “développent de nombreux tentacules péribuccaux pourvus de cellules urticantes très vulnérantes”. Si je vous dis ça, c’est parce qu’il est pas mal question d’anémones dans ce livre de Rita Indiana, une artiste dominicaine et queer, romancière certes mais également musicienne.
Les Tentacules commence en proposant deux récits parallèles situés en République dominicaine à des époques différentes. On commence avec la jeune Alcide qui, dans un futur proche, travaille comme femme de ménage chez Esther, prêtresse et proche du Président. Alors que la faune marine a été exterminée à la suite d’une catastrophe écologique, cette dernière possède en cachette une anémone dont la vente pourrait bien aider Acilde à acheter de quoi effectuer sa transition de genre sans chirurgie. Une perspective qui ne tarde pas à l’obséder, malgré sa sympathie pour Esther. Quant au second récit, il nous ramène au début des années 2000. Argenis, artiste doué mais réduit à travailler dans un call center, est au fond du trou lorsqu’on lui propose de participer à un projet culturel collectif à travers lequel il sera logé et nourri. Il accepte. De ces deux points de départ en apparence sans rapport, Rita Indiana construit un court roman (moins de 200 pages) dans lequel les pièces s’imbriquent progressivement pour nous emmener dans des directions plutôt inattendues.

Il y a bien une tendance cyberpunk dans ce roman, en particulier dans l’arc “futur proche”, caractérisé par ses technologies létales, sa corruption généralisée, son environnement ravagé et ses expérimentations corporelles. Toutefois, l’autrice ne s’attarde pas tellement sur ces clichés et injecte plutôt à son histoire un ton très personnel, en puisant dans les cultures caribéennes et brassant des sujets tels que la transidentité, la protection de l’environnement et l’art contemporain. C’est un texte singulier, volontiers cru et violent, dans lequel j’ai eu un peu de mal à rentrer mais que j’ai appris à apprécier au fil de la lecture et que suis bien content d’avoir croisé sur mon chemin.
Titre original : La mucama de Omicunlé / Sortie originale (espagnol) : 2015 / Version française : 2020 (traduction : François-Michel Durazzo)