
Mort aux geais ! Voilà un étrange nom. Sorti en fin d’année dernière, ce roman est la suite du Citadins de demain et il appartient à la double trilogie de La Tour de Garde. Pour rappel, nous y lisons parallèlement deux histoires : celle de la Capitale du Nord écrite par Claire Duvivier, et celle de la Capitale du Sud, écrite par Guillaume Chamanadjian. Cap au nord donc, pour y retrouver la cité de Dehaven et notre protagoniste Amalia.
Mais avant cela, quelques considérations géo-historiques sur le cycle. Dehaven, d’abord. Cité-état du nord, colonialiste, tirant profit de son empire maritime et dirigée par une aristocratie austère qui exploite ses classes populaires, elle n’est pas sans rappeler des entités de culture protestante telles que les Pays-Bas du XVIIème siècle ou encore l’Empire britannique. A cette toile de fond s’ajoutent de sérieux troubles politiques et sociaux : les colonies n’entendent plus se laisser faire et les classes populaires s’organisent dans les faubourgs, donnant à l’ensemble un parfum mêlé de guerre et de révolution. En ce qui concerne Gemina, c’est un peu plus flou pour moi. Située au sud, politiquement morcelée et réputée pour sa bonne bouffe, elle peut rappeler des régions catholiques, par exemple les diverses principautés italiennes d’avant l’unification du pays, mais je crois que certains éléments m’échappent. Tout ça pour dire que Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian semblent avoir puisé dans l’histoire européenne au sens large pour construire leur univers et leurs histoires, sans pour autant concevoir un simple décalque historique agrémenté de magie.
Retour à Dehaven. C’est dans un contexte bien chargé qu’on retrouve la jeune Amalia, accompagnée de son ami d’enfance Yonas. Suite aux événements de Citadins de demain, le duo est en fâcheuse posture et contraint de se cacher, non sans oublier de continuer ses expérimentations sur les objets magiques en sa possession (conséquences à prévoir). Sans m’attarder davantage sur une histoire de toute façon très réussie, je voudrais mentionner l’apparition du personnage de Lute. Amalia la rencontre dans les bas-fonds de la ville, petite personne usant d’une débordante débrouillardise et d’un caractère bien trempé pour faire oublier sa dizaine d’années et sa solitude. C’est un super personnage qui donne lieu à de très jolies scènes non dénuées d’émotion. On rit d’ailleurs assez peu dans ce livre, l’ambiance est même plutôt lourde, mais la fluidité de l’écriture de Claire Duvivier rend tout cela très digeste.
Mort aux geais ! et Trois Lucioles terminés, les deux intrigues semblent converger vers une destination qui se dessine au loin. Pour autant, le mystère reste épais et les possibilités très nombreuses pour les suites (dont une est d’ailleurs déjà sortie). En tout cas, jusqu’ici c’était super.
Sortie (français) : 2022