
Je n’arrive pas à considérer Âpre cœur comme un recueil d’histoires courtes, même s’il en a tous les attributs. Je le décrirais plutôt comme un roman fragmenté à travers lequel l’autrice sino-américaine Jenny Zhang raconte certains aspects de l’immigration chinoise dans les années 90 à New York. Raconté du point de vue d’enfants, de filles uniquement, chaque texte est relié à au moins un autre par des personnages qui se croisent (on en profite au passage pour prendre de leurs nouvelles). Ce qui m’a frappé, c’est la vivacité de l’écriture, le ton explosif et rageur de ces jeunes filles qui partagent des points communs sans perdre leur singularité. On en apprend aussi sur leurs parents, sur ce qui les a poussés à quitter la Chine pour risquer la misère aux États-Unis. C’est souvent cru, parfois violent, jamais dans le pathos, très très vivant. Âpre cœur porte très bien son nom.
Titre original : Sour Heart / Sortie originale (anglais) : 2017 / Version française : 2019 (traduction : Santiago Artozqui)

Avec L’ordre du jour, Eric Vuillard relate les années qui ont suivi la prise de pouvoir des nazis en Allemagne en se focalisant sur quelques événements clés. Il nous les montre comme autant de moments qui ont permis aux nazis d’accumuler une puissance (financière, matérielle, symbolique et j’en passe) qui n’était pourtant pas garantie d’avance. Le choix des événements et le récit qu’en fait l’auteur (qui n’est pas historien) n’a pas été sans susciter des critiques à sa sortie. Comme pour tout événement historique, l’historiographie n’a en effet jamais d’interprétation claire et nette à nous fournir (car c’est toujours “plus compliqué que ça”). Alors cherchons le point de vue, qui me semble assez évident : l’auteur cherche surtout à nous dire que l’extrême-droite n’arrive pas à ses fins dans la stupeur générale, mais à coups de bluffs et grâce aux compromissions de ceux qui étaient en position de s’y opposer.
Sortie : 2017