
A travers mes lectures de L’hôtel de verre (cinquième roman d’Emily St. John Mandel) et de Dernière nuit à Montréal (son premier), j’ai identifié trois éléments récurrents : 1) une matière : le verre ; 2) des relations familiales compliquées, marquées par la perte et l’abandon ; 3) une légère touche de fantastique. Il s’agit aussi de deux très bons polars qui m’ont passionné de par leur atmosphère froide et leur absence de linéarité. C’est rare, mais c’est ainsi que je me suis retrouvé à ouvrir un troisième livre de la même autrice en moins d’un an. On ne joue pas avec la mort est son deuxième roman.
Avec la mention d’une tour de verre dès la première phrase, et un protagoniste, Anton, dont dire que la famille est “compliquée” relève de l’euphémisme, on ne peut pas dire que j’ai été particulièrement surpris par l’entrée en matière. L’enjeu, ici c’est grosso modo de comprendre ce qui pousse un cadre new-yorkais, Anton, à quitter sa femme en plein voyage de noces et à rester seul sur une île au large de l’Italie.
Si la narration enchaîne les flashbacks, elle enchaîne aussi les points de vue. On passe sans cesse d’Anton lors de différents moments de sa vie au récit d’autres personnages, y compris celui d’une enquêtrice à sa recherche. Cette dernière, débordée par son travail, culpabilise de négliger sa famille et nous rappelle l’enquêteur obsessionnel de Dernière nuit à Montréal, qui en oublie presque l’existence de sa fille. La thématique de l’abandon est ainsi bien présente (Aria, cousine d’Anton et personnage clé, n’est d’ailleurs pas en reste) et le fantastique ne manque pas de faire sa petite apparition, presque comme un clin d’oeil.
J’ai d’abord craint d’avoir été trop impatient et de m’être lassé des thèmes rejoués, mais force est d’admettre que c’est diablement efficace. Et puis c’est comme un jeu, ça m’amuse beaucoup de détecter les leitmotivs, parfois déformés, et de chercher le sens de tout cela. J’attendrai un peu avant de me jeter sur Les Variations Sebastian, le roman suivant, mais pas trop non plus.
Titre original : The Singer’s Gun / Sortie originale (anglais) : 2010 / Version française : 2013 (traduction : Gérard de Chergé)