
J’ai repris mon rattrapage des romans d’Emily St. John Mandel. Cette fois-ci : Station Eleven., son best-seller, que j’ai entamé non sans une certaine appréhension. C’est qu’on attaque ici le genre post-apocalyptique, qui ne m’enthousiasme pas plus que ça.
Le topo : dans un avenir proche, une sorte de grippe a éliminé 99% de la population humaine en quelques semaines, entraînant l’effondrement de toutes les infrastructures qui soutenaient la civilisation (des détails, comme l’électricité et l’eau courante). On peut reconnaître à cette maladie une forme d’honnêteté. Pas le temps de vous demander si ce petit rhume est un signe d’infection, si vous risquez de contaminer des proches par inadvertance - peut-être que devriez-vous faire un test ? - ou s’il faudrait vous isoler par prévention : si vous le chopez, vous êtes mort dans les deux jours, c’est tout. Mais laissons les épidémiologistes débattre de la plausibilité d’un tel scénario.
L’intrigue du roman n’est pas linéaire et nous sautons régulièrement d’époque en époque, passant en une page des ruines de l’avenir au doux confort d’avant la pandémie. Tout le sel du livre (une bonne partie, en tout cas) est évidemment de découvrir ce qui lie toutes ces scènes et leurs personnages. En ce qui concerne l’avenir, nous y suivons une troupe itinérante qui se déplace de village en village, quelque part autour du lac Michigan, pour donner des représentations théâtrales (du Shakespeare, surtout) et jouer de la musique. Cela nous permet, lecteurs et lectrices, d’explorer avec eux ce nouveau monde et ses lieux de vie fragiles, autant de collectivités qui font ce qu’elles peuvent pour survivre et, pourquoi pas, recréer quelque chose. C’est un univers post-apocalyptique, donc dur, mais qui a quelque chose de crédible et qui ne s’abandonne pas à une forme de désespoir facile. Prenons le traitement de la violence : elle est bien présente, comme on peut s’y attendre, mais n’est pas banalisée. Et ça, ça fait plaisir à lire. Plus généralement, le déroulé de l’histoire a pu, au début, me faire craindre un scénario déjà-vu, mais j’ai bien eu tort de douter d’Emily St. John Mandel.
Et puis il y a les petits éléments qui traversent l’œuvre de l’autrice (pour ce que j’en connais à ce stade : il m’en manque encore deux), qui ne font pas défaut. Le petit élément fantastique est bien présent, discrètement, tandis que le verre, pour une raison qui m’échappe toujours un peu, garde une place privilégiée dans les descriptions et la narration. Tout ça pour dire que plusieurs semaines après sa lecture, ce roman me laisse toujours une vive impression et que son immense succès, jusqu’à bénéficier d’une adaptation en série chez HBO, me paraît bien mérité.
Titre original : Station Eleven / Sortie originale (anglais) : 2014 / Version française : 2016 (traduction : Gérard de Chergé)