
Quand on s’attaque à Trames et qu’on le compare aux sept bouquins du cycle de la Culture parus auparavant, il y a quelque chose qui frappe d’emblée : son épaisseur. Mais avant d’aller plus loin, je vais me faciliter la vie en laissant à ChatGPT le soin d’expliquer ce qu’est la Culture :
“La Culture est un univers de fiction créé par l’écrivain écossais Iain M. Banks dans une série de romans de science-fiction. La Culture est une société post-scarcity qui a atteint une technologie avancée et est gouvernée par des intelligences artificielles qui ont pour but de maintenir la paix et la prospérité pour tous ses membres. Les personnages de la Culture sont souvent des individus très avancés technologiquement et possèdent de nombreux pouvoirs et capacités. La série de livres explore les interactions de la Culture avec d’autres sociétés moins avancées technologiquement, ainsi que les défis éthiques et moraux que ces interactions peuvent causer.”
Note du Noni du futur (2025) : oui, ces choix rédactionnels ont très mal vieilli
Demandons ensuite à notre modèle de langage préféré d’expliciter l’expression “société post-scarcity” (à traduire par “société - ou économie - de l’abondance”) :
“Une société post-scarcity est une société dans laquelle les besoins de base de ses membres sont largement satisfaits et les ressources sont suffisantes pour répondre à la demande. Il n’y a donc pas de pénurie de biens et de services, et les individus n’ont pas à se soucier de la survie matérielle de base. Cela permet à ces sociétés de se concentrer sur des questions plus élevées telles que le développement personnel, la recherche scientifique, la création artistique, etc. Dans la science-fiction, les sociétés post-scarcity sont souvent décrites comme ayant atteint un niveau élevé de technologie qui leur permet de produire des ressources de manière efficace.”
Merci, ça ira pour cette fois. Et surtout n’oubliez pas de vérifier vos sources et de ne pas faire confiance aveuglément à la première machine venue (aussi fascinante soit-elle).
Venons en maintenant au vif du sujet. Nous assistons aux quêtes croisées des trois enfants d’un roi assassiné au sommet de sa gloire. Cet abord médiéval peut rappeler Inversions, cet étrange roman du cycle intégralement situé dans une société moyenâgeuse et dans lequel on scrute méticuleusement les éventuelles traces de technologie avancée. Il n’en est rien ici car nous sommes sur Sursamen, un gigantesque monde artificiel et creux, à multiples niveaux habités chacun par des espèces variées (le genre de structures farfelues typiques de ce cycle et que j’aime tellement). Les humains qui en squattent les huitième et neuvième niveau sont bien conscients que des espèces et civilisations infiniment plus avancée technologiquement se baladent dehors. Ils croisent même un alien de temps à autre, mais cela fait simplement partie d’un décor un peu lointain et n’influence généralement pas leur vie quotidienne.
Donc, le roi n’est plus. Ferbin, héritier légitime du royaume est laissé pour mort et en fuite, accompagné de son serviteur Choubris. Oramen, son jeune frère, est désormais voué à régner lorsqu’il aura atteint l’âge requis, à condition de survivre jusque là. Djan, enfin, a quitté Sursamen il y a déjà bien longtemps pour devenir agente des Circonstances Spéciales (sortes de services secrets de la Culture façon James Bond, avec ce que ça implique de sur-compétence et de surarmement). Une large partie du roman se déroule ainsi dans Sursamen (principalement par les yeux d’Oramen), mais on voit aussi du pays grâce aux périples de Ferbin (qui cherche de l’aide à l’extérieur pour laver l’honneur de sa famille) et de Djan (qui, suite à l’annonce du décès paternel, souhaite simplement revoir son monde natal).
Si je devais comparer, je dirais que Trames m’a un peu moins emporté que Le sens du vent (ce chef-d’oeuvre) ou Excession. Le monde médiéval-touchant-sur-la-fin des huitièmes et neuvièmes niveaux n’est pas des plus originaux, mais trouve son intérêt dans son intégration à un univers foisonnant d’espèces et de constructions prodigieuses. Le choc initial de la rencontre entre humains médiévaux et aliens est ainsi complètement évacué, pour nous permettre d’assister plutôt à leur coexistence ordinaire. Quant à l’intrigue, elle nous en fait voir de belles, mais semble pourtant avoir été volontairement mise de côté pour laisser place aux réflexions des personnages quant au déroulement des événements (à ce propos, mention spéciale au serviteur Choubris). En fait, Iain M. Banks insiste peut-être un peu trop lourdement pour nous faire comprendre qu’au fond, l’intrigue, on s’en fout. J’y perçois comme une sorte de fatalisme un peu confus, jusque dans l’épilogue. Cela reste toutefois un très bon space opera, plein d’idées fabuleuses, dans la lignée de ce que le cycle de la Culture peut offrir. Il m’en reste deux à découvrir.
Titre original : Matter / Sortie originale (anglais) : 2008 / Version française : 2009 (traduction : Patrick Dusoulier)