Un souvenir nommé Empire - couverture

Attention, prix Hugo. En 2020, l’autrice new-yorkaise Arkady Martine a remporté le prestigieux prix de science-fiction pour Un souvenir nommé empire, premier tome de la série Teixcalaan (succédant ainsi au Vers les étoiles de Mary Robinette Kowal). Ce beau bébé de 459 pages semble a priori aborder des sujets que les amateurs de space opera connaissent bien, à commencer par le mot “empire” écrit en très gros sur la couverture. Il s’agit du puissant empire Teixcalaan, auprès duquel la protagoniste Mahit Dzmare est nommée ambassadrice. Son prédécesseur donné pour mort, elle va devoir comprendre ce qui lui est arrivé, et pour cela de naviguer dans les arcanes d’un pouvoir très codifié, dont la vie culturelle et politique tourne autour… de la poésie. Amoureuse de cette civilisation depuis son enfance, tout semble pourtant fait pour lui rappeler qu’elle y est étrangère : elle bénéficie heureusement du soutien de son attachée culturelle Trois Posidonie (un personnage particulièrement réussi), avec laquelle elle noue rapidement un lien fort.

Un souvenir nommé empire est bourré de péripéties et c’est peu dire que les premiers jours de Mahit Dzmare en tant qu’ambassadrice ne sont pas de tout repos. Pourtant, et contrairement par exemple à L’effondrement de l’empire (de John Scalzi), qui joue à fond la carte du divertissement, ce roman-ci est plus cérébral et creuse davantage ses sujets. Spécialiste d’histoire arménienne et de l’empire byzantin, Arkady Martine s’est inspirée de ses sujets de prédilection pour construire Teixcalaan et sa planète-capitale, en y ajoutant des touches rappelant d’autres empires (aztèque, évidemment, mais aussi mongol ou romain, sans oublier les Etats-Unis). La technologie est aussi bien présente, avec notamment un dispositif de puce mémorielle, central au récit, qui prolonge à sa façon les nombreux questionnements sur l’identité que posent le roman. Au niveau de la narration, les relations interpersonnelles sont travaillées, et très vite se tisse un intense réseau de tensions de toutes sortes entre les principaux personnages, que j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre. Alors que je craignais une énième resucée de concepts éculés, j’en ressors au contraire enthousiaste (sans l’être forcément autant qu’après la baffe Terra Ignota, s’il faut absolument comparer à des œuvres récentes). Et voilà que j’ai même hâte de me plonger dans Une désolation nommée paix, sa suite, déjà traduite en français.

Sortie originale (anglais) : 2019 / Version française : 2021 (traduction : Gilles Goullet)