Mes petits préférés de 2023

Chaque fin d’année, j’aime revenir sur certains livres qui m’ont accompagné tout au long des douze derniers mois. Et comme d’habitude, leur année de parution n’a aucune importance. La séquence Aardtman, de Saul Pandelakis. Magistral. Il faudra bien que ce roman soit traduit, qu’il quitte l’univers francophone pour s’offrir à d’autres horizons linguistiques. En attendant, je suis content d’avoir eu la chance de découvrir ce livre, qui représente tout ce que j’aime dans la science-fiction et dans la littérature en général. Dans la maison rêvée, de Carmen Maria Machado. Marquant. Par sa forme, bien sûr, car chaque court chapitre est rédigé “à la manière de” (d’un roman noir, d’un livre dont vous êtes le héros…), bondissant de style en style. Mais aussi, surtout peut-être, marquant sur le fond. C’est une autobiographie, et plus particulièrement le récit d’une relation abusive. L’autrice y raconte comment sa compagne de l’époque a progressivement fait de sa vie un enfer. C’est un livre à la fois subtil, riche et implacable. ...

26.12.2023

Gideon la Neuvième - Tamsyn Muir

A certains égards, Gideon la Neuvième pourrait être un jeu-vidéo plutôt cool. On y incarnerait une guerrière badass et/ou une nécromancienne dans un immense palais décrépit. Elles y résoudraient des énigmes et affronteraient d’étranges ennemis, le tout dans un univers de dark fantasy mâtiné de science-fiction. A un univers étrange et bien fichu, la Néo-zélandaise Tamsyn Muir s’est permis d’ajouter une bonne histoire, des personnages étonnants et, finalement, décidé d’en faire un roman (après tout, les amateurs de jeux ont déjà les Dark Souls). Gideon, pour commencer, en impose. Excellente guerrière au caractère de cochon, elle ne désire rien d’autre que de fuir sa planète natale, la lugubre Neuvième Maison (les Maisons correspondant grosso modo aux neuf planètes du système impérial). Elle voue une haine aussi tenace que réciproque à Harrowhark, jeune et puissante nécromancienne avec laquelle elle se retrouve obligée de coopérer. En effet, l’Empereur appelle à lui ses Maisons et les voilà donc en route vers la capitale. A la clé : l’immortalité, probablement. ...

06.08.2023

La Porte des Enfers - Laurent Gaudé

Il y a longtemps que je lorgnais sur Laurent Gaudé, non pas en raison de ses prix littéraires, mais parce que c’est le frère d’Ivan, l’estimé cofondateur du magazine Canard PC. Lorsque la journaliste Julie Le Baron (nouvelle rédactrice en chef - bravo - du magazine en question) a dit le plus grand bien de La Porte des Enfers, je me suis dit que je commencerais par celui-là, intrigué que j’étais par son côté fantastique et surtout parce qu’il en fallait bien un. Cette histoire commence en 2002 à Naples par la vengeance de Pippo, mort - attention - en 1980 à six ans lors d’une fusillade. Il n’est pas vraiment nécessaire d’en révéler davantage, tout comme il est déconseillé de lire la quatrième de couverture (de l’édition poche Acte Sud en tout cas) qui vous révèlera les deux tiers du roman. L’histoire alterne donc entre 1980, où nous suivons les parents de Pippo en proie au deuil, et 2002, où un Pippo bien vivant en a gros sur la patate. Pourquoi ? Comment ? Plus que cette question bien légitime, il s’agit ici de ressentir la peine, la peur et le dégoût, mais aussi, dans un autre registre, les ruelles encombrées de Naples, l’odeur du café et l’inéluctabilité de la mort. A l’instar des personnages de ce livre, on y cherche des étincelles de vie dans un océan de crasse et de désespoir : l’enfer, ici, est à prendre au sens propre comme au sens figuré. Et comme souvent, on trouvera des lueurs dans les marges. Ce n’est pas un roman très rigolo, par contre il se lit rapidement. ...

05.03.2023

Un livre par jour pendant cinq jours

Jour 1. Outrage et rébellion - Catherine Dufour (2009) - Dans cette histoire, Catherine Dufour nous raconte la naissance aussi jouissive que douloureuse d’un mouvement punk dans une Chine du XXIVème siècle. On n’y trouve pas une narratrice unique, mais toute une série de voix, avec leur vécu propre et leur sensibilité. A nous de faire sens au milieu de ce chaos. J’ai appris bien après l’avoir lu, et adoré (c’est encore aujourd’hui un de mes livres préférés), qu’il était grandement inspiré de Please Kill Me : l’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs, dont le titre dit à peu près tout. Jour 2 - La Fin de l’homme rouge - Svetlana Alexievitch (2013) - Il y a deux ans, j’ai pris ce pavé comme une claque dans la face. Svetlana Alexievitch y donne la parole aux témoins de la fin de l’Union soviétique : on y lit leur vécu, leurs pensées, leurs peurs, leur colère, leurs souvenirs, leurs espoirs. Des histoires parfois bien différentes les unes des autres et pourtant liées par un thème : comment fait-on pour gérer la fin brutale d’un monde dans lequel on a toujours vécu, un changement dont l’impact se ressent sur toutes les strates de la société ? Comment, au niveau individuel, se faire aux nouvelles règles du jeu ? Je ne suis vraiment pas prêt de l’oublier. ...

30.04.2020