Top lectures de 2024

On dirait que 2024 a été l’année la plus prolifique en lectures de ma vie. Je ne m’explique pas vraiment pourquoi, par contre je peux revenir sur certaines qui sont particulièrement sorties du lot. L’extraordinaire OVNI 78, du collectif italien Wu Ming, surnage avec ses ufologues à l’affût d’observations paranormales, son exploration de la politique italienne des années 70 et sa plongée dans la contre-culture de l’époque. Et puis c’est pas tous les jours qu’un personnage de roman écoute du Magma. Ensuite, nous avons deux romans gothiques que je n’avais pas encore abordés par ici : Affinités, de Sarah Waters. Une jeune dame de la bonne société victorienne, en proie à une sorte de dépression, rend régulièrement visite à des femmes en prison pour écouter leurs déboires. Elle y tombe amoureuse d’une prisonnière qui se dit spirite et s’avère très convaincante. La narration est fine, l’ambiance gothico-londonienne est brumeuse à souhait et le jeu de pistes vraiment bien fichu. Pour rester dans le gothique, mais cette fois-ci sur un autre continent (l’autre là, un peu plus à l’ouest) : le classique de Shirley Jackson Nous avons toujours vécu au château, paru en 1962. Une famille décimée + un château isolé + des villageois haineux = une bonne ambiance. Deux autres romans cools et chelous : Les Monstres de Templeton, de Lauren Groff. Du fantastique (un peu) et de la généalogie (beaucoup). La Fracture, de Nina Allan. Une mystérieuse disparition et pas mal de bizarreries (dans le fond et dans la forme). Au rayon “imaginaire qui tache” : La Cité des Marches, de Robert Jackson Bennett. Le premier tome d’une trilogie fantasy. Il y est notamment question de colonialisme et du rapport des peuples à leur histoire. Ca se lit comme un bon roman d’espionnage, les dieux magiciens en plus. Station Eleven, d’Emily St. John Mandel. Une fin du monde vite fait bien fait, et comment s’en sortent les survivants (par exemple en jouant du Shakespeare). Dans la thématique “nazis” (car il faut bien vivre avec son temps) : La Compagnie des spectres, de Lydie Salvayre. Folie, précarité et résistance. C’est toujours un plaisir d’envoyer des tombereaux d’insultes au Maréchal et à ses collaborateurs. Nein, Nein, Nein!, de Jerry Stahl. L’auteur, écrivain juif américain, nous raconte son voyage organisé (en bus) à travers les camps de concentration et d’extermination nazis devenus des parcs d’attraction mémoriels. L’effarement est très présent et j’ai beaucoup ri (mais j’aime l’humour désespéré). Et deux BD : Happy Endings, de Lucie Bryon. Une formidable BD sortie cette année, d’une grande douceur. L’album est composé de trois histoires distinctes, dont le merveilleux Océan qui illustre la couverture. L’autrice continue sur sa lancée après un Voleuse qui était déjà super. La Distinction, de Typhaine Rivière. Une adaptation contemporaine du livre de Pierre Bourdieu, pilier de la sociologie, qui a le mérite d’être compréhensible et facile d’accès. Pour celles et ceux que la notion d’habitus intrigueraient et qui n’en ont pas eu assez avec la chaîne Youtube de Grégoire Simpson.

30.12.2024

La guerre des marionnettes - Adam-Troy Castro

J’ai déjà parlé d’Andrea Cort à deux reprises, mais je m’en voudrais de ne pas évoquer cette troisième parution en français pour cette série mélangeant science-fiction et enquêtes. Précisons tout de suite qu’il est plus que conseillé d’avoir lu les histoires précédentes pour en tirer le maximum. Composé de deux novellas (Les lames qui sculptent les marionnettes et La cachette) et d’un corps principal éponyme, La guerre des marionnettes peut sans souci se lire comme un tout cohérent. J’avais axé mon billet consacré à La troisième griffe de Dieu autour de quelques mots clés : malaise, dégoût, angoisse et enfer, tout en saluant la qualité d’écriture des personnages et leurs évolutions conjointes. Tout cela s’applique encore ici, en plus intense, même si on change de décor. On pourrait même s’arrêter ici : c’était à la fois abominable et super, merci. ...

13.01.2024

Les flibustiers de la mer chimique - Marguerite Imbert

Deuxième roman de la Française et Guadeloupéenne Marguerite Imbert, Les Flibustiers de la mer chimique a reçu un accueil très chaleureux des lecteurs et lectrices francophones, empochant notamment le Grand Prix de l’Imaginaire 2023. Derrière ce nom, qui évoque de vieux romans d’aventure un peu surannés, se dévoile la promesse d’un voyage dangereux, de territoires hostiles et probablement de quelques espèces de pirates. Là-dessus, aucun mensonge sur la marchandise : nous sommes d’emblée cueillis par le naufrage d’un des protagonistes, Ismaël, à la dérive sur un radeau au milieu d’une mer toxique. Heureusement, lui et ses comparses sont bientôt recueillis par une pieuvre géante et un sous-marin atomique qui passait par là. A cette description, on comprend que l’autrice ne se prive pas d’un certain panache dans l’écriture de son univers post-apocalyptique. Loin d’être mort, ce monde grouille de vie, mais les humains y sont en nombre réduit et luttent pour leur survie au sein de communautés plus ou moins stables. En parallèle d’Ismaël, qui se débrouille à bord de son sous-marin baroque, on suit l’histoire d’Alba, jeune femme isolée récupérée au fond d’une grotte par des envoyés de Rome, où une sorte de civilisation semble vivoter. Particulièrement érudite pour son époque, elle semble souffrir de quelques troubles mentaux et posséder un égo démesuré. Elle est apparemment très importante pour Rome, ce qu’elle trouve tout à fait normal même si elle ne sait pas pourquoi. ...

03.12.2023

Les Cartographes - Peng Shepherd

Prévenons d’emblée : je n’ai pas du tout aimé ce livre. Au début, j’étais pourtant curieux : Nell, la protagoniste, enquête sur la présence incongrue d’une vieille carte routière dans les affaires de son père. Une carte sans intérêt qui, elle n’a jamais compris pourquoi, lui a valu son renvoi de la prestigieuse New York Public Library. L’événement a brisé sa carrière et sa vie d’autant plus violemment que c’est son propre père qui l’a mise dehors. Jusqu’ici, on a affaire à un mystère teinté d’affaire de famille assez banal, mais s’ajoute à cela une dimension fantastique quant à la nature des cartes elles-mêmes. Cet aspect fantastique puise son inspiration dans une anecdote que l’autrice raconte dans la postface. Une super anecdote historique, à vrai dire : l’histoire d’Agloe, un village imaginaire inscrit sur une carte dans le but de détecter d’éventuelles copies de celle-ci (car si le village n’existe pas il n’a aucune raison de figurer sur des cartes de concurrents). Or des habitants de la région ont fini par s’approprier son nom, le faisant ainsi exister. J’adore l’idée, j’aime malheureusement beaucoup moins ce qu’elle devient dans ce roman. Je n’ai tout simplement pas réussi à y croire, alors que je ne demandais que cela. ...

17.09.2023

La troisième griffe de Dieu - Adam-Troy Castro

En relisant ma chronique d’Emissaire des morts, premier tome de la série Andrea Cort, j’ai réalisé que j’avais omis de mentionner une notion importante : celle du malaise. La troisième griffe de Dieu m’a en effet rappelé avec insistance ce subtil mélange de dégoût, de tension et d’angoisse, qui en caractérisait certains passages. Ce second tome, composé cette fois d’un roman et d’une nouvelle qui pourrait en être l’épilogue, prend toujours place dans un univers de space-opera composé de multiples espèces, dans lequel les humains sont réunis en une espèce de Confédération instable apparenté à un enfer ultra-capitaliste. Andrea Cort, la protagoniste, est enquêtrice, plus spécialement Procureure du Corps Diplomatique, et extrêmement douée dans son métier. Elle est également haïe par des millions de personnes pour des actes pas totalement éclaircis commis dans son enfance. Cela lui donne un caractère peu enclin à la jovialité et à la chaleur humaine. ...

18.09.2022

Emissaires des Morts - Adam-Troy Castro

Quatre nouvelles et un roman, c’est en réalité ce que nous réserve ce gros livre de science-fiction et d’enquêtes écrit par Adam-Troy Castro, traduit en français en début d’année. Les nouvelles, qui s’étendent sur environ 300 pages, nous servent en fait d’introduction à l’univers et surtout à la protagoniste, Andrea Cort. Enquêtrice et diplomate à tendance misanthrope, elle est hantée par un passé traumatique et pâtit d’une réputation difficile à porter. Toutefois, elle a pour qualité d’être très compétente dans son domaine : résoudre des affaires délicates impliquant humains et espèces extraterrestres. Ces nouvelles, donc, servent en partie d’introduction, mais constituent surtout de vraies enquêtes efficaces qui ont un impact sur la suite des événements et déploient des idées très intéressantes. Démons invisibles, par exemple, avec son espèce extraterrestre singulière, m’a rappelé pourquoi j’aimais la science-fiction. ...

10.10.2021

Lectures de juillet-août

Au cours de ces deux derniers mois, j’ai lu quelques bouquins et je suis même retourné en bibliothèque, où je n’avais pas mis les pieds depuis trop longtemps. L’occasion de remarquer que les rayons, notamment en matière d’imaginaire, ont été bien renouvelés. En plus de quatre précédents billets déjà rédigés ici, voici un petit bilan de mes lectures de cet été brumeux. J’avais bien vu passer Les Tambours du dieu noir, sorti cette année en français, chez divers chroniqueurs et chroniqueuses de l’imaginaire, mais je n’avais pas vraiment idée de son contenu. On y trouve en réalité deux courts récits. Le premier, qui donne son nom au livre, se déroule à La Nouvelle-Orléans dans un XIXème siècle alternatif et un tantinet magique. L’enjeu n’y est autre que la survie de ce territoire libre et indépendant, régulièrement assailli de tempêtes démentielles, tandis que l’esclavage est toujours une réalité sur une partie de ce qui fut les Etats-Unis. Le second récit (L’étrange affaire du djinn du Caire), lui, se déroule au Caire au début du XXème siècle : là encore, uchronie et fantastique vont de pair, et nous quittons l’aventure pour un récit plus policier. Les qualités du livre sont réelles (qu’il s’agisse des points de vue proposés, du propos ou des univers déployés), mais je dois bien avouer avoir eu la tête ailleurs pendant la majorité de la lecture. Dommage pour moi. ...

02.09.2021