U Like UFO - Mercening

U Like UFO est une première à plusieurs titres : première BD publiée de l’autrice française Mercening et première parution de la nouvelle collection Kopi - spécialisée dans le manga - des éditions Exemplaire. A l’annonce de son financement participatif je n’ai pas longtemps hésité tellement le projet semblait coller à mes petites déviances : le paranormal, les p’tits hommes verts et plus globalement le bizarre. La découverte du compte Instagram de l’autrice, l’enthousiasme de Boulet et les premières planches dévoilant son univers m’ont convaincu de participer. Le récit commence durement avec le suicide d’un adolescent membre du petit club de paranormal de son lycée. Sous le choc, son amie Alice, en dernière année de lycée, et Oswald, jeune professeur d’anglais, décident malgré tout de continuer le club. Quelques années plus tard, ils ont fondé une entreprise et forment un duo de détectives spécialisés dans les phénomènes paranormaux. Leur objectif : prouver une fois pour toutes l’existence du paranormal. Même si les déceptions s’accumulent, leur détermination semble à toute épreuve et cette obsession sincère dénuée de tout cynisme les rend forcément attachants, mais aussi un peu déconcertants. Comme on parle d’un professeur reconverti et de son ancienne élève, la nature de leur relation pourrait même créer un certain malaise. Ce dernier, heureusement, est rapidement désamorcé (d’une manière que je qualifierais d’à l’image des personnages : surprenante et plutôt rigolote). ...

31.05.2025

It's Lonely at the Centre of the Earth - Zoe Thorogood

Il faut croire que j’aime ça, les BD bizarres. It’s Lonely at the Centre of the Earth (“On est bien seul au centre de la Terre”) parle de dépression. C’est grosso modo la documentation sous forme de BD meta de six mois de la vie de l’autrice anglaise Zoe Thorogood, en 2021, alors qu’elle a 23 ans et envisage le suicide. Le résultat est forcément très introspectif, d’aucuns diraient autocentré (ce à quoi je répondrais que c’est le principe). L’autrice varie les avatars qui sont autant d’états d’esprit (on peut identifier quatre “Zoe” au minimum, sans compter une personnification de sa dépression sous la forme d’un monstre miyazakiesque) et change de styles de dessin dans un foutoir aussi désespéré que vivant. La construction du récit est à la fois linéaire (on progresse de mois en mois) et explosée à coups de flashbacks et de souvenirs. Le résultat est foutraque, expérimental, une espèce d’accident qui n’avait pas vocation à être publié mais qui se révèle comme un objet précieux. ...

24.05.2025

Le grand vide - Léa Murawiec

Manel Naher vit dans une ville étouffante. Si chacun y exhibe son nom pour ne pas être oublié, c’est parce que la mort sociale y coincide avec la mort biologique. Peu sociable, elle trouve refuge dans une bouquinerie et rêve de s’en aller avec un de ses rares amis. Quand une chanteuse homonyme explose avec son nouveau single, occupant l’esprit de tout un tas de gens qui auraient plutôt pu penser à elle, les conséquences sont concrètes et rapides : crise cardiaque. Le traitement prescrit est clair : il est temps d’exister, de renforcer sa “présence” à tout prix. Cette histoire bizarre imaginée par la française Léa Murawiec a déjà beaucoup pour me plaire telle quelle, mais alors ce dessin, ohlala. C’est vif, expressif et bourré d’idées. Le choix des couleurs est radical : pour l’essentiel noir (ou plutôt bleu) et blanc, complété d’un fort joli rouge pour les décors urbains. C’est peu dire que Léa Muraviec maîtrise son sujet et a digéré de multiples influences, de la BD franco-belge au manga, en passant par la BD indépendante et les courants les plus expérimentaux. L’autrice joue à sa guise avec l’agencement des pages, donne une consistance physique aux phylactères ou déforme les corps. Pour autant, cela ne nuit en rien à la lisibilité du récit, qui reste central. ...

19.04.2025

J'ai vu les soucoupes - Sandrine Kerion

L’an dernier, je me suis jeté sur une BD autobiographique qu’il m’était impossible de laisser passer : J’ai vu les soucoupes, de Sandrine Kerion. L’autrice y raconte son adolescence au début des années 90’ et son obsession pour certaines théories du complot en vogue à l’époque. Elle nous raconte son histoire, la façon dont elle a progressivement sombré jusqu’à se persuader d’avoir vu des OVNI dans son quartier, tout en dressant un tableau complet et historique du phénomène. Si des facteurs personnels ont certainement pu jouer dans son parcours, notamment un environnement familial compliqué et du harcèlement scolaire hardcore, il est aussi question du rôle joué par la fiction (coucou Steven Spielberg) et, surtout, de médias français peu scrupuleux qui privilégient l’infotainment à la déontologie en invitant sur des plateaux de talk shows des personnalités dangereuses, pour s’en moquer certes, mais en leur donnant au passage une large visibilité. Mieux encore, Sandrine Kerion évoque les dérives sectaires qui peuvent découler du phénomène complotiste, mais également les liens entre certaines théories du complot encore bien vivaces et le racisme le plus crasse. Enfin, et c’est très important, l’autrice aborde la façon dont elle s’en est sortie. ...

05.02.2022