Le grand vide - Léa Murawiec

Manel Naher vit dans une ville étouffante. Si chacun y exhibe son nom pour ne pas être oublié, c’est parce que la mort sociale y coincide avec la mort biologique. Peu sociable, elle trouve refuge dans une bouquinerie et rêve de s’en aller avec un de ses rares amis. Quand une chanteuse homonyme explose avec son nouveau single, occupant l’esprit de tout un tas de gens qui auraient plutôt pu penser à elle, les conséquences sont concrètes et rapides : crise cardiaque. Le traitement prescrit est clair : il est temps d’exister, de renforcer sa “présence” à tout prix. Cette histoire bizarre imaginée par la française Léa Murawiec a déjà beaucoup pour me plaire telle quelle, mais alors ce dessin, ohlala. C’est vif, expressif et bourré d’idées. Le choix des couleurs est radical : pour l’essentiel noir (ou plutôt bleu) et blanc, complété d’un fort joli rouge pour les décors urbains. C’est peu dire que Léa Muraviec maîtrise son sujet et a digéré de multiples influences, de la BD franco-belge au manga, en passant par la BD indépendante et les courants les plus expérimentaux. L’autrice joue à sa guise avec l’agencement des pages, donne une consistance physique aux phylactères ou déforme les corps. Pour autant, cela ne nuit en rien à la lisibilité du récit, qui reste central. ...

19.04.2025

J'ai vu les soucoupes - Sandrine Kerion

L’an dernier, je me suis jeté sur une BD autobiographique qu’il m’était impossible de laisser passer : J’ai vu les soucoupes, de Sandrine Kerion. L’autrice y raconte son adolescence au début des années 90’ et son obsession pour certaines théories du complot en vogue à l’époque. Elle nous raconte son histoire, la façon dont elle a progressivement sombré jusqu’à se persuader d’avoir vu des OVNI dans son quartier, tout en dressant un tableau complet et historique du phénomène. Si des facteurs personnels ont certainement pu jouer dans son parcours, notamment un environnement familial compliqué et du harcèlement scolaire hardcore, il est aussi question du rôle joué par la fiction (coucou Steven Spielberg) et, surtout, de médias français peu scrupuleux qui privilégient l’infotainment à la déontologie en invitant sur des plateaux de talk shows des personnalités dangereuses, pour s’en moquer certes, mais en leur donnant au passage une large visibilité. Mieux encore, Sandrine Kerion évoque les dérives sectaires qui peuvent découler du phénomène complotiste, mais également les liens entre certaines théories du complot encore bien vivaces et le racisme le plus crasse. Enfin, et c’est très important, l’autrice aborde la façon dont elle s’en est sortie. ...

05.02.2022