Proletkult - Wu Ming

Ce qui frappe d’emblée, c’est que nous avons ici affaire à un titre un peu mystérieux. Commençons donc par un peu de contexte autour du terme “Proletkult” en citant un article paru en 2017 dans Campus, le magazine scientifique de l’Université de Genève (et dont le numéro complet est consultable ici) : […] en octobre 1917 [apparaît] une organisation artistique et littéraire méconnue et éphémère mais qui connaît un succès populaire fulgurant : la Culture prolétarienne, ou Proletkult, selon l’acronyme russe. À son apogée, en 1920, le mouvement (qu’il ne faut pas confondre avec l’« art prolétarien » de l’époque stalinienne) revendique 400 000 membres, c’est-à-dire autant, voire plus, que le Parti communiste lui-même. Répartis en 300 sections locales, il édite une quarantaine de journaux et de revues. Il disparaît la même année, dénigré par une partie de l’élite bolchevique et intégré de force au Commissariat du peuple aux lumières (Ministère de l’éducation). ...

23.03.2025

Pentiment - Obsidian Entertainment

Quand Pentiment a débarqué en 2022, sa proposition était pour le moins audacieuse : un jeu d’enquête dans un village bavarois du début du XVIème siècle, sur fond de décors en 2D inspirés d’enluminures d’époque. Dire qu’il s’agit d’une niche n’est pas qu’un euphémisme. Nous voilà donc au beau milieu du Saint-Empire romain germanique. Nous y incarnons Andreas Maler, un artiste érudit et voyageur, qui exerce temporairement son art aux côtés des moines copistes d’une abbaye, à proximité de la petite ville (fictive) de Tassing. Jeune et enthousiaste, Andreas se trouve rapidement confronté à un meurtre qui ébranle la communauté. Notre rôle : essayer de retrouver le coupable et éclaircir ses motivations. Pour cela, il nous faut nous balader d’un tableau à l’autre et interagir avec de nombreux personnages qui ont plein d’histoires à nous raconter. Ces dialogues, qui nous laissent la possibilité d’être sympathique ou parfaitement odieux, nous permettront d’obtenir les informations nécessaires à notre enquête. ...

23.11.2024

OVNI 78 - Wu Ming

Ce serait dommage de ne pas dire un mot d’OVNI 78, que j’ai lu cet été et qui sera certainement mon livre de l’année. En trame de fond, il y a les années de plomb : une période violente et complexe de l’histoire politique et sociale italienne, dans la foulée de mai 68, marquée par de nombreux attentats (plutôt ciblés du côté de l’extrême gauche, plutôt de masse du côté de l’extrême droite, mais je m’en voudrais un peu de résumer une telle période historique en deux lignes lapidaires). L’essentiel de l’intrigue se déroule en 1978 durant les 55 jours de l’enlèvement d’Aldo Moro, figure importante de la démocratie chrétienne italienne. Sa séquestration par les Brigades Rouges, au terme de laquelle il sera assassiné, plane comme un vaisseau mère extraterrestre sur tout le récit. ...

06.10.2024

Mes petits préférés de 2023

Chaque fin d’année, j’aime revenir sur certains livres qui m’ont accompagné tout au long des douze derniers mois. Et comme d’habitude, leur année de parution n’a aucune importance. La séquence Aardtman, de Saul Pandelakis. Magistral. Il faudra bien que ce roman soit traduit, qu’il quitte l’univers francophone pour s’offrir à d’autres horizons linguistiques. En attendant, je suis content d’avoir eu la chance de découvrir ce livre, qui représente tout ce que j’aime dans la science-fiction et dans la littérature en général. Dans la maison rêvée, de Carmen Maria Machado. Marquant. Par sa forme, bien sûr, car chaque court chapitre est rédigé “à la manière de” (d’un roman noir, d’un livre dont vous êtes le héros…), bondissant de style en style. Mais aussi, surtout peut-être, marquant sur le fond. C’est une autobiographie, et plus particulièrement le récit d’une relation abusive. L’autrice y raconte comment sa compagne de l’époque a progressivement fait de sa vie un enfer. C’est un livre à la fois subtil, riche et implacable. ...

26.12.2023

Hildegarde - Léo Henry

Avec ce roman, je savais que je m’attaquais à quelque chose de spécial. Je m’attendais à un livre ardu, n’évoquant son principal sujet qu’à demi-mot, passant régulièrement du coq-à-l’âne et multipliant les passages à la limite du cryptique. Comme j’étais très intrigué, j’ai quand même eu envie de le lire. Hildegarde de Bingen, dont je n’avais pourtant jamais entendu parler, a vécu au XIIème siècle du côté de l’actuelle Allemagne. Multipliant les casquettes, elle était, je cite Wikipédia : à la fois abbesse, mystique, visionnaire, illustratrice, compositrice, poétesse, fondatrice et prédicatrice franconienne." C’était aussi “une figure marquant l’apogée de la médecine monastique à la fin du Haut Moyen Âge.” Un superbe CV, aujourd’hui presque suffisant pour décrocher un CDD à mi-temps. J’étais toutefois prévenu : de Hildegarde, il n’en serait pas vraiment question avant un paquet de pages. ...

02.09.2023

Voyage dans l'Empire Mongol - Guillaume de Rubrouck

Un moine est envoyé par son roi aux confins d’un empire lointain et menaçant, avec pour mission d’ouvrir un dialogue, d’observer et de raconter. Au cours de son voyage, il traverse de vastes plaines gelées, découvre un monde qui lui est inconnu et une culture complètement différente, non sans pester constamment contre son très peu fiable interprète. Voilà une histoire qu’on imaginerait bien sous forme de trilogie au rayon fantasy de la bibliothèque du coin. Sauf que là, il y a un hic : l’histoire est vraie et se passe dans notre XIIIème siècle. Entre 1253 et 1255, le moine franciscain Guillaume de Rubrouck a en effet voyagé jusque Qaraqorum, à l’époque capitale de l’Empire Mongol, avant de raconter son périple dans une lettre envoyée au roi de France Louis IX. C’est déjà quelque chose de peu commun, mais si cette histoire sort de l’ordinaire, c’est surtout grâce à la personnalité de son auteur. ...

18.01.2022

L’homme qui mit fin à l’histoire - Ken Liu

Ce petit roman est à part, court et pourtant particulièrement dense. L’auteur, Ken Liu (auteur de SF américain né en Chine), y décrit une intention nouvelle permettant de visiter le passé. Il ne s’agit pas de voyage dans le temps, plutôt d’un moyen de voir, sans interférer, un endroit précis à une époque donnée. Attention toutefois : cette observation n’est possible qu’une seule fois, et par une seule personne, avant de disparaître à tout jamais. L’invention est ici testée sur l’Unité 731, sinistre lieu d’expérimentations humaines de l’armée japonaise en Mandchourie, pendant la seconde guerre mondiale. Derrière cette invention purement imaginaire, il est donc ici question d’histoire et de mémoire collective, et de la façon dont des blessures anciennes continuent d’empoisonner le présent. Ce n’est pas très amusant, mais c’est vraiment brillant et complètement d’actualité. ...

22.08.2020