Meilleures lectures de 2022

C’est l’heure du petit bilan de mes lectures favorites de cette année. Moins de livres lus que précédemment (même si quelques pavés viennent nuancer cette impression), mais quelques belles découvertes ou confirmations dans le lot. Si je ne devais en garder qu’un, ce serait L’hôtel de verre, par Emily St-John Mendel. Une lecture estivale, mais pas légère pour autant, entre le thriller et le policier, dotée d’un fond très politique (tendant vers la finance) auquel s’ajoute un mystère un peu chelou. J’ai découvert l’autrice pour l’occasion, et je suis très content de savoir que tous ses autres livres m’attendent. Un souvenir nommé empire et Une désolation nommée paix, par Arkady Martine. Ces deux livres forment la série Teixcalaan, du space opera efficace qui n’oublie pas de creuser ses sujets, ses personnages et les relations entre ces derniers. Le résultat est carrément prenant. ...

30.12.2022

Terra Ignota, la fin - Ada Palmer

Quand L’alphabet des créateurs est sorti, en février de cette année, je me suis méfié. Comment !? Le Bélial, éditeur français du livre, avait le culot de couper à travers Perhaps the stars, l’ultime tome de Terra Ignota, immense saga d’Ada Palmer dont j’attendais la fin avec impatience ? Scandale. J’ai ainsi préféré attendre octobre et la sortie de Peut-être les étoiles, qui conclut la saga en français, pour d’enchaîner goulument les deux tomes d’une traite. Au moment de m’y mettre, deux constats se sont imposés à moi. Le premier : vu le poids des deux livres cumulés, couper au milieu du livre original n’était probablement pas une si mauvaise idée. Je peux même dire a posteriori que l’endroit même de la coupure est plutôt bien vu et semble presque relever de l’évidence. Le second : je suis très content, mais aussi déstabilisé. Même si le tome précédent ne laissait que peu de doute sur la situation à venir, l’entame de cette conclusion nous laisse un peu perdu.e.s. Il faut dire que dès le début de la saga, en partant d’une technologie si bêtement science-fictionnesque qu’elle en paraît presque déplacée ici (la voiture volante), Ada Palmer nous avait présenté un système mondial passionnant et en apparence parfait, quasiment utopique, pour progressivement nous en dévoiler les failles par la voix d’un narrateur au demeurant assez peu fiable. L’alphabet des créateurs et Peut-être les étoiles s’attachent à nous montrer ce qu’il advient quand ce système craque pour de bon. Quant au narrateur… ...

27.11.2022

Lectures favorites de 2021

Chaque fin d’année, j’aime bien réaliser un petit bilan de mes lectures préférées des douze mois précédents (leur année de sortie n’ayant aucune espèce d’importance). Du coup, si je devais ne retenir que trois livres lus en 2021, ce serait probablement ceux-ci : Tout d’abord, Un long voyage, par Claire Duvivier : un roman de fantasy qui en dit énormément avec une économie de moyens qui surprend. Loin du cliché de la saga en dix-sept épisodes kilométriques, c’est un vrai bonheur de lecture dans un univers d’une grande originalité. Plusieurs mois plus tard, il me laisse encore avec des images plein la tête et l’envie d’y retourner. Pour rester dans cet esprit, j’ai donc hâte, très hâte, de me lancer dans la double trilogie de La tour de garde, dont les deux premiers tomes (Citoyens de demain, par Claire Duvivier et Le sang de la cité, par Guillaume Chamanadjian) sont sortis cette année avec un succès certain. ...

31.12.2021

À dos de crocodile - Greg Egan

Si certains romans laissent parfois planer le doute quant à leur genre, d’autres par contre sont sans ambiguïté. C’est généralement le cas des récits de Greg Egan, un auteur australien résolument tourné vers la hard-science-fiction, susceptible de réserver de grands moments d’émerveillement aux amateurs, en contrepartie de maux de tête sévères. Il y a un peu de tout ça dans sa dernière novella publiée dans la collection Une Heure-Lumière. La bonne nouvelle, c’est qu’À dos de crocodile réussit également à faire montre de sensibilité et de douceur. En moins d’une centaine de pages, nous y parcourons des dizaines de millénaires en compagnie d’un couple, Leila et Jasim. Ces derniers, déjà bien âgés (avec plus de 10000 ans de vie commune, c’est ce qu’on appelle un euphémisme) cherchent à établir un contact avec les Indifférents, de mystérieuses entités qui se tiennent poliment mais fermement isolées du reste des espèces composant la civilisation galactique. Il y a presque quelque chose du conte dans cette histoire de vieux couple porté par un vaste et dernier projet, mais qu’on ne s’y trompe pas : certains passages, heureusement plutôt courts (et peut-être assez dispensables), laisseront de côté les moins motivés. Bref, un voyage vertigineux dans le temps et l’espace, des concepts scientifiques abscons et un mystère céleste : une bonne novella de Greg Egan pour qui sait à quoi s’attendre. ...

02.10.2021

La Survie de Molly Southbourne - Tade Thompson

Une fois n’est pas coutume, et pour rester dans la série Une Heure-Lumière, il est ici question d’une suite : La Survie de Molly Southbourne, de Tade Thompson (auteur britannique d’origine nigériane, psychologue et également auteur de la série de romans Rosewater, que l’on peut rattacher à l’afrofuturisme). Mais tout d’abord, retour rapide sur le premier opus, Les Meurtres de Molly Southbourne, très original et plutôt dérangeant, qui avait fait parler de lui lors de sa publication française en 2019. Nous y suivons Molly, dont la vie tourne bien malgré elle autour d’un problème de taille. En effet, lorsqu’elle saigne, des doubles d’elle-même surgissent du néant pour la tuer, ce qui lui complique un peu le quotidien. Dans cette suite, publiée l’année suivante dans la même collection, l’auteur choisit un angle d’approche un peu différent et nous permet d’explorer plus profondément les mécanismes de cet univers. A vrai dire, j’ai été surpris de constater que la série est souvent classée dans le genre de l’horreur, même si c’est difficilement contestable. Etonnamment, les scènes horrifiques et/ou gores ne m’ont pas plus repoussées que cela, alors que j’y suis pourtant particulièrement sensible (et que je les évite généralement). Non qu’elles soient insipides, elles sont peut-être simplement bien écrite et suffisamment claires pour être percutantes, sans être trop graphiques (à mon goût). Pour une analyse approfondie, je conseille d’ailleurs vivement la lecture de ce billet de blog. Toujours est-il que ce récit d’une grosse centaine de pages fonctionne très bien et conserve tout l’intérêt du premier tome, qu’il est tout de même conseillé d’avoir lu au préalable. ...

29.09.2021

Ormeshadow - Priya Sharma

Dans la série des novellas Une Heure-Lumière, place à Ormeshadow, de la romancière britannique Priya Sharma. Nous sommes en Angleterre au XIXème siècle et ni joie, ni insouciance, ni légèreté ne figurent au programme de ce drame familial. Il s’agit en effet de la triste histoire de John et Clare Belman qui, accompagnés de leur fils unique Gideon, sont contraints de quitter leur ville pour une ferme occupée par le frère de John, Thomas, et sa famille. Ce dernier, personnage tyrannique, viriliste et cruel, leur réserve un accueil chaleureux (c’est faux). Au milieu de tensions déchirantes, Gideon profite de quelques moments avec son père, intellectuel et rêveur, pour découvrir une vieille légende familiale : une dragonne dormirait depuis des siècles sous les terres de la ferme. Avec ce contexte anxiogène, la présence fantomatique d’un potentiel univers fantastique et un enfant pris dans la tourmente, difficile de ne pas déceler quelques points communs avec Le fini des mers, évoqué ici. La comparaison s’arrête là, Ormeshadow étant beaucoup plus récente (2019) et la narration bien différente. Concrètement, c’est une histoire qui nous tient en haleine de bout en bout, sans négliger le travail sur l’ambiance (qui n’est donc : pas fun). Au passage, notons qu’avec ses 170 pages, ce récit est plutôt long au regard des standards de la collection. Toujours est-il que le simple souvenir de l’oncle Thomas me donne des maux de ventre rien que d’y penser et que, si cette histoire est particulièrement dramatique, elle est surtout très réussie. ...

26.09.2021

Le fini des mers - Gardner Dozois

Ma bibliothèque habituelle a le bon goût de proposer quelques novellas de la collection Une Heure-Lumière, spécialisée en science-fiction, fantasy et fantastique. J’en ai donc pioché quelques-unes, à commencer par Le fini des mers, un récit de Gardner Dozois initialement publié en 1973 et traduit vers le français en 2018. Sa couverture énigmatique n’est pas sans rappeler un certain film de Denis Villeneuve sorti en 2016 (Arrival, ou Premier Contact en français). Mais non, on oublie : ce film est adapté d’une nouvelle, par ailleurs géniale, de Ted Chiang parue en 1998 (L’histoire de ta vie, qu’on retrouve en français dans le recueil La Tour de Babylone : lisez-le), soit 25 ans après Le fini des mers. Seule la situation initiale les associe vraiment : d’immenses vaisseaux ovoïdes surgissant un beau matin et se contentant d’attendre. Ici, deux récits s’entrecroisent : la grande, à savoir la réaction du monde face à cette possible menace, et la petite, celle d’un enfant en grande difficulté scolaire, plus à l’aise avec les “Autres”, des êtres invisibles exceptés pour lui, qu’avec les adultes. Il est donc question de santé mentale, d’isolement et de difficultés de communication. Je sais : dit comme ça, ça ressemble quand même beaucoup à Arrival. En fait, malgré le concept et le propos alléchants, je dois malheureusement avouer être passé complètement passé à côté du propos. Frustré, j’ai creusé ailleurs pour y voir plus clair, et suis notamment tombé sur cette analyse enthousiaste. Il n’empêche, ennuyé par la narration et gêné par certains passages qui accusent leur âge, je suis passé sans regret à ma lecture suivante. ...

23.09.2021

L'Arithmétique terrible de la misère - Catherine Dufour

L’année passée, Catherine Dufour a sorti l’incroyable Au bal des absents, mais pas seulement. En effet, l’autrice française a également fait paraître L’Arithmétique terrible de la misère, son second recueil de nouvelles. Celui-ci en contient dix-sept, aux sujets variés, mais toutes réunies par une tonalité énervée et politique. La nouvelle presque éponyme (L’arithmétique de la misère), par exemple, anticipe les futures crises climatiques en nous offrant, malgré, tout un motif d’espoir dans la révolte. Quant à En noir et blanc, et en silence, elle reprend le vieux thème de la vie éternelle pour parler de dominations (masculine, de classe…). Dans l’ensemble du recueil, la technologie est bien présente, souvent importante, mais elle finit généralement par s’effacer derrière les personnages ou le contexte socio-politique. L’avenir décrit y est sombre, mais pas toujours désespéré. A chaque fois, le propos est acéré. ...

13.09.2021

Bilan de mars 2021

Littérairement parlant, c’est La volonté de se battre, troisième tome de la série Terra Ignota, qui m’a surtout occupé ce mois-ci. J’ai déjà évoqué ailleurs mon attachement tout particulier à cette série écrite par Ada Palmer, qui a réussi à construire un univers complexe et fascinant porté par une narration du même niveau. Trop semblable à l’éclair, premier tome de la série, m’a diverti du premier confinement ; Sept Redditions, sa suite, m’a sorti d’un été aux allures de drôle de guerre caniculaire. La volonté de se battre m’a-t-il fait oublier la montée de la troisième vague ? Et bien oui, merci. L’histoire avance, toujours portée par un narrateur dont on se demande tout de même parfois s’il ne joue pas volontairement avec nos pieds ou s’il n’est pas en train de complètement perdre les pédales. Ces facéties narratives nécessitent une véritable implication, mais sont pour moi un vrai plaisir. Qu’importe au fond si le narrateur est fou, j’ai envie de savoir ce qu’il veut me raconter et ce qu’il perçoit de son monde. Force est parfois d’admettre que quelques longueurs et flous artistiques peuvent rebuter les lecteurs et lectrices qui ne seraient pas d’emblée subjugués par l’univers décrit, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à en parler à tout le monde avec des étoiles dans les yeux. ...

31.03.2021

Lectures favorites de 2020

C’est l’heure des bouquins de l’année ! Je me suis imposé d’en choisir dix (en trichant juste un peu) et les ai classés arbitrairement pour le plaisir. 1. “Trop semblable à l’éclair”, par Ada Palmer (2016) et “Sept redditions”, par Ada Palmer (2017) : double prix de l’amour inconditionnel pour les deux premiers tomes de la saga Terra Ignota, d’une inventivité folle et qui m’ont transportés comme rarement en cette année où c’était plutôt nécessaire. 2. “Au bal des absents”, par Catherine Dufour (2020) : un roman que je qualifierais de fantastique social enragé. C’est génial. 3. “Mémoire de fille”, par Annie Ernaux (2016) : un exercice de mémoire frappant de justesse, rempli de réflexions sur le processus et le sens de l’écriture autobiographique. ...

28.12.2020