Bilan de mars 2021

Littérairement parlant, c’est La volonté de se battre, troisième tome de la série Terra Ignota, qui m’a surtout occupé ce mois-ci. J’ai déjà évoqué ailleurs mon attachement tout particulier à cette série écrite par Ada Palmer, qui a réussi à construire un univers complexe et fascinant porté par une narration du même niveau. Trop semblable à l’éclair, premier tome de la série, m’a diverti du premier confinement ; Sept Redditions, sa suite, m’a sorti d’un été aux allures de drôle de guerre caniculaire. La volonté de se battre m’a-t-il fait oublier la montée de la troisième vague ? Et bien oui, merci. L’histoire avance, toujours portée par un narrateur dont on se demande tout de même parfois s’il ne joue pas volontairement avec nos pieds ou s’il n’est pas en train de complètement perdre les pédales. Ces facéties narratives nécessitent une véritable implication, mais sont pour moi un vrai plaisir. Qu’importe au fond si le narrateur est fou, j’ai envie de savoir ce qu’il veut me raconter et ce qu’il perçoit de son monde. Force est parfois d’admettre que quelques longueurs et flous artistiques peuvent rebuter les lecteurs et lectrices qui ne seraient pas d’emblée subjugués par l’univers décrit, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à en parler à tout le monde avec des étoiles dans les yeux. ...

31.03.2021

Lectures favorites de 2020

C’est l’heure des bouquins de l’année ! Je me suis imposé d’en choisir dix (en trichant juste un peu) et les ai classés arbitrairement pour le plaisir. 1. “Trop semblable à l’éclair”, par Ada Palmer (2016) et “Sept redditions”, par Ada Palmer (2017) : double prix de l’amour inconditionnel pour les deux premiers tomes de la saga Terra Ignota, d’une inventivité folle et qui m’ont transportés comme rarement en cette année où c’était plutôt nécessaire. 2. “Au bal des absents”, par Catherine Dufour (2020) : un roman que je qualifierais de fantastique social enragé. C’est génial. 3. “Mémoire de fille”, par Annie Ernaux (2016) : un exercice de mémoire frappant de justesse, rempli de réflexions sur le processus et le sens de l’écriture autobiographique. ...

28.12.2020

L’homme qui mit fin à l’histoire - Ken Liu

Ce petit roman est à part, court et pourtant particulièrement dense. L’auteur, Ken Liu (auteur de SF américain né en Chine), y décrit une intention nouvelle permettant de visiter le passé. Il ne s’agit pas de voyage dans le temps, plutôt d’un moyen de voir, sans interférer, un endroit précis à une époque donnée. Attention toutefois : cette observation n’est possible qu’une seule fois, et par une seule personne, avant de disparaître à tout jamais. L’invention est ici testée sur l’Unité 731, sinistre lieu d’expérimentations humaines de l’armée japonaise en Mandchourie, pendant la seconde guerre mondiale. Derrière cette invention purement imaginaire, il est donc ici question d’histoire et de mémoire collective, et de la façon dont des blessures anciennes continuent d’empoisonner le présent. Ce n’est pas très amusant, mais c’est vraiment brillant et complètement d’actualité. ...

22.08.2020

Trop semblable à l’éclair - Ada Palmer

Si la littérature de l’imaginaire permet beaucoup en matière de nouveaux horizons, il se dit en ce moment qu’elle pourrait gagner à moins se focaliser sur l’annihilation du monde pour s’intéresser davantage à des avenirs meilleurs (ça nous changerait). C’est là que débarque l’historienne Ada Palmer avec sa série Terra Ignota, dont le premier tome Trop semblable à l’éclair est sorti l’an passé en français. Bienvenue dans un 2454 aux allures d’utopie. Un monde en paix, où les déplacements sont faciles et dans lequel les nations, vieilles reliques inutiles, ont été remplacées par des “Ruches” que les citoyens rejoignent à leur convenance (pour ne citer qu’une des idées brillantes de ce récit). Le narrateur de cette histoire, un fascinant personnage, nous raconte pourtant les derniers jours de ce système, qu’on imagine pourtant si solide. Je pourrais en parler des heures : Trop semblable à l’éclair est superbement raconté et d’une richesse folle (tant d’un point de vue de l’écriture que de l’univers), mêlant philosophie, politique et une certaine dose de mysticisme. Et surtout, surtout, il renouvelle le genre en s’éloignant des poncifs de notre époque, en convoquant d’autres périodes de l’histoire et en nous invitant à penser des futurs possibles. En cela, c’est ce que la science-fiction peut offrir de meilleur. ...

20.08.2020

Un livre par jour pendant cinq jours

Jour 1. Outrage et rébellion - Catherine Dufour (2009) - Dans cette histoire, Catherine Dufour nous raconte la naissance aussi jouissive que douloureuse d’un mouvement punk dans une Chine du XXIVème siècle. On n’y trouve pas une narratrice unique, mais toute une série de voix, avec leur vécu propre et leur sensibilité. A nous de faire sens au milieu de ce chaos. J’ai appris bien après l’avoir lu, et adoré (c’est encore aujourd’hui un de mes livres préférés), qu’il était grandement inspiré de Please Kill Me : l’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs, dont le titre dit à peu près tout. Jour 2 - La Fin de l’homme rouge - Svetlana Alexievitch (2013) - Il y a deux ans, j’ai pris ce pavé comme une claque dans la face. Svetlana Alexievitch y donne la parole aux témoins de la fin de l’Union soviétique : on y lit leur vécu, leurs pensées, leurs peurs, leur colère, leurs souvenirs, leurs espoirs. Des histoires parfois bien différentes les unes des autres et pourtant liées par un thème : comment fait-on pour gérer la fin brutale d’un monde dans lequel on a toujours vécu, un changement dont l’impact se ressent sur toutes les strates de la société ? Comment, au niveau individuel, se faire aux nouvelles règles du jeu ? Je ne suis vraiment pas prêt de l’oublier. ...

30.04.2020