Dernière nuit à Montréal - Emily St. John Mandel

L’an passé, j’ai découvert la Canadienne Emily St. John Mandel via son dernier roman paru en français, L’hôtel de verre, que j’ai adoré. C’est donc moins de six mois plus tard que je me suis attaqué à son premier livre, Dernière nuit à Montréal. Là encore, il s’agit d’une sorte de polar. En fait, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer plusieurs similitudes entre les deux œuvres, à commencer par une certaine obsession pour le verre et la présence éventuelle du fantastique, qui pourrait tout aussi bien relever de la folie de l’un ou l’autre personnage. L’histoire, ici, se concentre sur Lilia, jeune femme qui a soudainement quitté l’appartement dans lequel elle vivait depuis peu avec Eli, son compagnon, qui se met ainsi en quête de la retrouver. De Lilia, nous en apprenons davantage au fur et à mesure de la lecture via des flash-backs, en commençant par son enlèvement lorsqu’elle avait sept ans. L’intrigue enchaîne donc entre le passé d’une Lilia perpétuellement en fuite à travers les Etats-Unis et le présent d’un Eli de plus en plus égaré, selon un rythme qui donne l’impression d’un étau se resserrant progressivement autour du dénouement. ...

11.02.2023

Trames - Iain M. Banks

Note du Noni de 2025 : j’ai remanié le début de ce billet paru initialement dans l’enthousiasme de la sortie de ChatGPT et qui a rapidement beaucoup trop mal vieilli à mon goût. Quand on s’attaque à Trames et qu’on le compare aux sept bouquins du cycle de la Culture parus auparavant, il y a quelque chose qui frappe d’emblée : son épaisseur. Mais avant d’aller plus loin, je vais me faciliter la vie en laissant à Wikipedia le soin d’expliquer ce qu’est la Culture : “La Culture est une civilisation pan-galactique inventée par Iain Banks au travers de ses romans et nouvelles de science-fiction. […] Il s’agit d’une société anarchiste : ni loi, ni hiérarchie, ni argent, ni propriété. Elle compte trente mille milliards de citoyens, mêlant dans une totale égalité humains, extraterrestres, drones et intelligences artificielles. La Culture est une société post-pénurie vivant une économie de l’abondance : ses techniques de pointe offrent une richesse matérielle pratiquement illimitée et le confort à tous, gratuitement, et elle a quasiment supprimé la notion de biens.” ...

29.01.2023

Mexican Gothic - Silvia Moreno-Garcia

Mexican Gothic est un roman que j’ai offert à ma maman car j’en avais entendu beaucoup de bien et que rien de tel qu’un bon livre d’horreur pour raffermir les liens familiaux. Pas de chance : l’ouvrage n’a pas plu. Défait d’avoir causé l’ennui, je me suis procuré l’objet du crime pour l’inspecter de plus près, même s’il ne s’agit pas vraiment de mon genre de prédilection. Son autrice, la Mexicaine Silvia Moreno-Garcia, y déroule une histoire entre le fantastique et l’horreur dans les années 1950. Noémi, une jeune femme de Mexico, reçoit un appel à l’aide de sa cousine Catalina sous la forme d’une lettre bizarrement rédigée, et se voit dans l’obligation d’aller lui rendre visite pour s’assurer de sa bonne santé, notamment mentale. Destination : un manoir isolé à flanc de montagne, où Catalina vit avec son mari et la famille de ce dernier. ...

21.01.2023

Meilleures lectures de 2022

C’est l’heure du petit bilan de mes lectures favorites de cette année. Moins de livres lus que précédemment (même si quelques pavés viennent nuancer cette impression), mais quelques belles découvertes ou confirmations dans le lot. Si je ne devais en garder qu’un, ce serait L’hôtel de verre, par Emily St-John Mendel. Une lecture estivale, mais pas légère pour autant, entre le thriller et le policier, dotée d’un fond très politique (tendant vers la finance) auquel s’ajoute un mystère un peu chelou. J’ai découvert l’autrice pour l’occasion, et je suis très content de savoir que tous ses autres livres m’attendent. Un souvenir nommé empire et Une désolation nommée paix, par Arkady Martine. Ces deux livres forment la série Teixcalaan, du space opera efficace qui n’oublie pas de creuser ses sujets, ses personnages et les relations entre ces derniers. Le résultat est carrément prenant. ...

30.12.2022

Un homme d'ombres - Jeff Noon

Je conserve de très bons souvenirs de Vurt et de Pollen, livres de l’Anglais Jeff Noon sortis respectivement en 1993 et 1995. Ces lectures datant d’une petite dizaine d’années, je les mélange probablement un peu. Elles font néanmoins surgir des souvenirs d’une ville de Manchester hallucinée, de prises de drogues étranges et de récits à la fois fascinants et difficiles à suivre. Ainsi, quand j’ai entendu parler d’Un homme d’ombres, paru en français aux éditions La Volte en 2021, mon intérêt s’est réveillé. La promesse : un mélange de polar et de new weird (littéralement traduit par “nouveau bizarre”, il s’agit d’un genre apparenté à l’imaginaire, qui nous emmène généralement dans une ville étrange pleine d’éléments surréalistes ou fantastiques, en gros). J’ai une relation contrariée avec le new weird, genre que j’aimerais beaucoup adorer, mais dont j’ai apparemment du mal à appréhender la relative difficulté d’accès. J’ai évoqué ici il y a un an ma perplexité vis-à-vis de Vorrh, mais je conserve également un douloureux souvenir de ma lecture de Perdido Street Station, monument du genre que j’avais interrompu à la moitié. En gros je suis un peu vexé de ne pas pouvoir clamer haut et fort mon amour pour le bizarre. Pour autant, il est indéniable que ces oeuvres laissent une trace dans l’esprit des lecteurs et lectrices qui s’y frottent. ...

16.12.2022

Terra Ignota, la fin - Ada Palmer

Quand L’alphabet des créateurs est sorti, en février de cette année, je me suis méfié. Comment !? Le Bélial, éditeur français du livre, avait le culot de couper à travers Perhaps the stars, l’ultime tome de Terra Ignota, immense saga d’Ada Palmer dont j’attendais la fin avec impatience ? Scandale. J’ai ainsi préféré attendre octobre et la sortie de Peut-être les étoiles, qui conclut la saga en français, pour d’enchaîner goulument les deux tomes d’une traite. Au moment de m’y mettre, deux constats se sont imposés à moi. Le premier : vu le poids des deux livres cumulés, couper au milieu du livre original n’était probablement pas une si mauvaise idée. Je peux même dire a posteriori que l’endroit même de la coupure est plutôt bien vu et semble presque relever de l’évidence. Le second : je suis très content, mais aussi déstabilisé. Même si le tome précédent ne laissait que peu de doute sur la situation à venir, l’entame de cette conclusion nous laisse un peu perdu.e.s. Il faut dire que dès le début de la saga, en partant d’une technologie si bêtement science-fictionnesque qu’elle en paraît presque déplacée ici (la voiture volante), Ada Palmer nous avait présenté un système mondial passionnant et en apparence parfait, quasiment utopique, pour progressivement nous en dévoiler les failles par la voix d’un narrateur au demeurant assez peu fiable. L’alphabet des créateurs et Peut-être les étoiles s’attachent à nous montrer ce qu’il advient quand ce système craque pour de bon. Quant au narrateur… ...

27.11.2022

La troisième griffe de Dieu - Adam-Troy Castro

En relisant ma chronique d’Emissaire des morts, premier tome de la série Andrea Cort, j’ai réalisé que j’avais omis de mentionner une notion importante : celle du malaise. La troisième griffe de Dieu m’a en effet rappelé avec insistance ce subtil mélange de dégoût, de tension et d’angoisse, qui en caractérisait certains passages. Ce second tome, composé cette fois d’un roman et d’une nouvelle qui pourrait en être l’épilogue, prend toujours place dans un univers de space-opera composé de multiples espèces, dans lequel les humains sont réunis en une espèce de Confédération instable apparenté à un enfer ultra-capitaliste. Andrea Cort, la protagoniste, est enquêtrice, plus spécialement Procureure du Corps Diplomatique, et extrêmement douée dans son métier. Elle est également haïe par des millions de personnes pour des actes pas totalement éclaircis commis dans son enfance. Cela lui donne un caractère peu enclin à la jovialité et à la chaleur humaine. ...

18.09.2022

Une désolation nommée paix - Arkady Martine

En panne d’écriture depuis plusieurs mois, j’ai également frisé le crash niveau lecture cet été. Pour relancer la machine, j’ai joué le tout pour le tout en sélectionnant Une désolation nommée paix, la suite de la série de space opera Teixcalaan, dont j’avais beaucoup aimé le premier tome en début d’année. Ce roman fait donc suite à Un souvenir nommé empire et nous y retrouvons ses protagonistes, à commencer par l’attachant duo composé de Mahit Dzmare, ambassadrice d’une obscure station spatiale, et de Trois Posidonie, fonctionnaire impériale aussi douée qu’ambitieuse. Là où le premier tome se déroulait au cœur même de l’empire, cette suite nous expédie à ses confins et aborde un sujet que j’affectionne beaucoup : le premier contact. Teixcalaan est en effet attaquée par une espèce alien puissante et inconnue. L’action se déroule ainsi en grande partie (mais pas uniquement) au sein de la puissante flotte teixcalaanlie. A sa tête, Neuf Hibiscus, chargée de mener cette guerre, est bientôt rejointe par Mahit Dzmare et Trois Posidonie, dans des circonstances qu’on pourrait presque qualifier de rocambolesques (mais je n’en dirai pas plus). S’il est bien question d’une guerre, avec son lot de drames, l’intrigue se concentre surtout sur la communication, la linguistique, la diplomatie ou encore l’éthique, non sans négliger les étonnantes technologies et les impitoyables luttes de pouvoir déjà de mises dans Un souvenir nommé empire. Le cocktail fonctionne et les pages se tournent au rythme des allers-retours que l’autrice, Arkady Martine, nous fait faire entre la lointaine capitale et la flotte de guerre impériale. Pour faire bref, j’ai pris un grand plaisir à lire ce livre, peut-être encore davantage que celui qui le précède. ...

24.08.2022

Citadins de demain - Claire Duvivier

C’est avec beaucoup d’impatience que j’ai entamé Citadins de demain, premier tome de la trilogie Capitale du Nord, écrit par Claire Duvivier. Ce premier opus se lit en parallèle du Sang de la cité, dont j’ai parlé ici-même, et qui entame lui la trilogie Capitale du Sud. Ensemble, ces deux séries composent l’étonnante saga de La tour de garde. Nous découvrons ici la cité de Dehaven, bien différente de sa cousine du sud Gemina. Peut-être est-ce dû à l’écriture limpide de Claire Duvivier, peut-être simplement à la conception de la ville elle-même : Cité-Etat commerciale, la richesse de Dehaven dépend de ses colonies insulaires. L’histoire se déroulant en parallèle du Sang de la cité, l’exercice de comparaison est inévitable. Dehaven semble ainsi plus ouverte sur le monde (dont elle tire profit) et davantage tournée vers l’avenir que Gemina. Plus austère, aussi. Leurs habitants, par contre, partagent une passion commune pour un jeu, la tour de garde, vague cousin des échecs. Enfin, les deux cités font face à des troubles sociaux et politiques qui mettent leur stabilité en péril. ...

08.05.2022

Le créateur de poupées - Nina Allan

D’habitude, j’écris sur un livre peu de temps après l’avoir terminé. Je fais ici exception car je me suis surpris à évoquer celui-ci récemment alors que la conversation virait bizarrement sur le sujet des poupées (la vie réserve parfois ce genre de surprises). Deux mois après sa lecture, Le créateur de poupées, de la britannique Nina Allan et conseillé par la Salle 101 (dont les nouvelles émissions se font attendre), continue semble-t-il de me hanter. Concepteur et collectionneur de poupées, Andrew entretient une correspondance avec Bramber Williams, que l’on devine résidente d’un hôpital psychiatrique. L’un comme l’autre partagent une passion commune pour Ewa Chaplin, rédactrice de nouvelles gothiques et, elle-aussi, créatrice de poupées. Personnage singulier de très petite taille (qui se qualifie lui-même de nain), Andrew se met soudain en tête d’aller retrouver sa bien-aimée Bramber sans la prévenir au préalable. Le roman nous raconte donc son cheminement de pensée, sa vie et son voyage en train de Londres vers une institution perdue au milieu de rien. A chaque étape de son périple, il en profite pour lire une des nouvelles d’Ewa Chaplin, qui parsèment le roman comme autant de mises en abyme. On alterne ainsi les pensées d’Andrew, sa correspondance avec Bramber, et les nouvelles écrites par cette artiste imaginaire. ...

18.04.2022