Le Moineau de Dieu - Mary Doria Russell

Certains romans, même en version numérique, semblent avoir des pages jaunies par le temps. Le Moineau de Dieu, de l’Américaine Mary Doria Russell, n’est pourtant pas si vieux. Sorti en 1996, sept ans après Hypérion (on y reviendra), il a par la même occasion reçu quelques prix littéraires liés à l’imaginaire (notamment le Prix Arthur C. Clarke en 1998). Dès le titre, nous sommes prévenus : il est ici beaucoup question de religion (catholique essentiellement) - allergiques s’abstenir. Et pour cause : après avoir capté, depuis le radiotélescope d’Arecibo, ce qui ressemble fort à des chants extraterrestres, la Compagnie de Jésus décide de mettre en place une expédition spatiale afin d’aller les rencontrer. Là où ça se corse, c’est que nous suivons en parallèle l’épilogue de l’aventure, à savoir la réadaptation du prêtre Emilio Sandoz, seul survivant, revenu bizarrement mutilé et psychologiquement ébranlé. Un sort funeste qui contraste avec l’optimisme, voire la naïveté, qui entoure l’organisation du projet. ...

17.08.2021

Redshirts - John Scalzi

Prix Hugo en 2013, pratiquement donné lors d’une énième solde numérique du début de l’été, Redshirts : au mépris du danger ne faisait pas vraiment partie de mes priorités. Derrière un nom aussi grotesque se cache en fait un roman parodique écrit par John Scalzi (que vous avez peut-être déjà rencontré sur Netflix via les épisodes Les Trois Robots ou La revanche du yaourt de la série Love, Death and Robots). Le récit débute comme un épisode de Star Trek : alors que de nouveaux personnages intègrent le vaisseau amiral de la flotte, ils réalisent rapidement que quelque chose cloche. En effet, comment se fait-il que le taux de mortalité y soit si élevé, en particulier lors des missions impliquant le capitaine et l’officier scientifique ? Pourquoi l’équipage semble-t-il éviter ces derniers comme la peste ? Et pourquoi s’en sortent-ils systématiquement, au contraire de leurs malheureux compagnons anonymes ? Sentant leur vie en danger, nos protagonistes (mais le sont-ils vraiment ?) vont essayer d’y comprendre quelque chose. Si j’ai d’abord craint une overdose de meta et de complaisance vis-à-vis du genre, j’ai finalement été très agréablement surpris. En fait, John Scalzi m’a amené là où je ne m’attendais pas, et plus qu’une blague, a écrit une véritable histoire. Meta certes, parodique bien sûr, mais qui ne s’y réduit pas. On peut évidemment se demander si cela méritait vraiment le prix ultime en matière de science-fiction, mais cela risquerait de nous emmener trop loin. ...

06.08.2021

Un long voyage - Claire Duvivier

Derrière cette jolie couverture se cache le premier roman, apparenté à la fantasy, de la française Claire Duvivier. Un long voyage comporte en fait plusieurs périples. Celui de Liesse, d’abord, le narrateur de cette histoire, enfant insulaire d’origine modeste (c’est un euphémisme), qui devient petit à petit un important dignitaire de l’Empire. Mais c’est aussi, surtout, celui de Malvine Zélina de Félarasie, énergique ambassadrice impériale, à laquelle il lie son destin et qui va connaître un parcours singulier. Ce roman, avec ses 314 pages somme toute rassurantes, parvient merveilleusement à être clair, concis et complet à la fois. L’autrice installe son univers posément, sans précipitation. Elle en dit suffisamment pour que nous visualisions les lieux, comprenions les enjeux, et nous épargne les détails superflus d’une histoire aux événements parfois bien étranges. Et pourtant, la sensation d’avoir voyagé longtemps et d’avoir vu du pays est bien présente lorsque cette histoire se termine. En tournant la dernière page, je me suis dit que c’était quand même vachement bien. ...

31.07.2021

En juin, un polar (et le reste)

J’ai célébré la première vague de chaleur de cet été cette fin de printemps par un polar mexicain, La vie même, signé Paco Ignacio Taibo II. Un roman sympathique dans lequel un chef de la police auteur de romans policiers s’emploie au moins autant à résoudre le meurtre d’une Américaine, qu’à garder vivante la flamme de la gauche à Santa Ana, “ville rouge”. Avec l’aide de ses adjoints et de divers responsables aux méthodes parfois originales, il fait face comme il peut aux assauts du parti gouvernemental, le PRI (qui, comme je l’ai appris pour l’occasion, était hégémonique au Mexique dans les années 80). Comme l’écrit lui-même le protagoniste dans ses notes : “Il s’agit d’un roman avec de foutus crimes, mais l’important ce ne sont pas les crimes, c’est (comme dans tout roman policier mexicain) le contexte.” ...

01.07.2021

Numérique - Marina & Sergueï Diatchenko

Numérique - Brevis est, par Marina et Sergueï Diatchenko, est le second tome du cycle des Métamorphoses, dont le premier opus n’est autre que le fameux Vita Nostra, qui m’a tellement plu en ce début d’année. Il ne s’agit pas d’une suite : il n’est plus ici question d’institut étrange ni de professeurs sadiques. Pourtant, on retrouve des ingrédients qui nous sont familiers. Arsène, le protagoniste, un adolescent dont la vie tourne principalement autour des jeux-vidéo, voit son quotidien changé lorsqu’il rencontre un inconnu : Maxime. Ce dernier lui propose de participer à un concours consistant essentiellement à tester des jeux nouveaux : s’il l’emporte, il pourra travailler pour lui. Cette fois-ci, on ne force personne, Arsène n’a à perdre que ses rêves de gloire. Toutefois, si ce dernier est un champion de la manipulation en ligne, Maxime n’est évidemment pas en reste. ...

19.06.2021

Les Livres de la Terre fracturée - Nora K. Jemisin

Au milieu de la production foisonnante que la dernière décennie nous a offert en matière de science-fiction, de fantasy et de fantastique, une autrice afro-américaine, Nora K. Jemisin, s’est démarquée au point de remporter trois années d’affilée (en 2016, 2017 et 2018) le Prix Hugo du meilleur roman. Ce prix, le plus prestigieux du genre, elle l’a obtenu pour La Cinquième Saison (2016), La Porte de Cristal (2017) et Les Cieux Pétrifiés (2018), qui composent ensemble la trilogie des Livres de la Terre fracturée. Les distractions se faisant rares, j’ai profité des derniers mois pour enfin m’y pencher. Le monde que nous y découvrons est bien mal en point. L’humanité occupe un unique continent et se compose de petites communautés fragiles. Peu de réelles villes, et pour cause : régulièrement, un cataclysme quelconque provoque un hiver apocalyptique d’une durée indéterminée. On appelle ça une Saison. Tremblement de terre, tsunami, activité volcanique : il faut être prêt à tout. Une partie de la population dispose pourtant du pouvoir de l’en protéger : les orogènes, capables de contrôler l’activité sismique, et plus globalement la pierre. Pourtant, ces derniers sont méprisés, rejetés voire tués, sauf si le pouvoir central les repère suffisamment tôt et les éduque - cruellement - afin de les utiliser à ses fins. ...

21.05.2021

Trois souvenirs SF

Dans la thématique des souvenirs, j’ai eu envie cette fois d’extraire de ma bibliothèque trois romans de science-fiction qui m’ont un jour fait voyager dans le temps ou l’espace. La faune de l’espace (A.E. van Vogt, 1950) Ce livre occupe une place particulière dans mes souvenirs : je l’ai probablement pioché un peu au hasard en librairie quand j’étais jeune ado, et n’ai découvert que des années plus tard qu’il s’agissait d’un classique du genre. La faune de l’espace est en fait un assemblage de nouvelles, réunies pour former une histoire complète. Cette dernière relate le voyage d’un vaste vaisseau spatial en mission scientifique à travers la galaxie, qui trouve sur son chemin des entités extérieures mystérieuses et potentiellement hostiles. L’équipage compte parmi ses nombreux membres une sorte de super-scientifique-psychologue-spécialiste-en-tout qui, malgré le scepticisme initial de l’équipage, s’avère évidemment précieux. Si l’ouvrage est daté (le livre sous cette forme est paru en 1950, mais certaines nouvelles datent de la fin des années 1930), il a manifestement conservé une bonne part de sa magie, notamment grâce à ses extraterrestres étranges et originaux. Pour l’anecdote, la ressemblance (discutable et discutée) entre l’un d’eux et le célèbre Xénomorphe d’Alien a d’ailleurs donné lieu à un procès entre A.E. van Vogt et la 20th Century Fox. ...

08.05.2021

Bilan d'avril

Ce mois-ci, j’ai lu le polar Après les chiens, écrit par la journaliste niçoise Michèle Pedinielli. La détective privée Ghjulia Boccanera (dite “Diou”) y enquête sur le meurtre d’un réfugié érythréen, tout en cherchant à élucider la disparition d’une jeune femme. L’histoire prend place après les événements de Boccanera (qui inaugure la série), qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu pour en comprendre l’intrigue, même si on retrouve avec plaisir quelques personnages connus. En toile de fond, il est ici question du traitement réservé aux demandeurs d’asile à la frontière entre l’Italie et la France : inutile donc de préciser que, si le récit est fluide et les protagonistes sympathiques, le sujet est plutôt lourd (après tout, on est dans un polar). Je me suis étonné de comprendre assez rapidement où tout cela allait, sans trop savoir si cela me décevait vraiment ou non. Pour autant, ce polar réserve quelques surprises bienvenues et m’a donné envie d’en lire d’autres (en particulier ceux de l’écrivain italien Andrea Camilleri, que dévore la narratrice). Et puis l’extrême-droite y prend pour son grade, ce qui fait toujours plaisir. ...

02.05.2021

Des livres qui ont compté

Regarder High Fidelity (la série adaptée l’année dernière du roman de Nick Hornby), m’a donné envie, outre d’écouter plein de musique, de faire une liste : une liste de livres qui ont occupé une place spéciale à un moment de ma petite existence et qui comptent donc encore d’une façon ou d’une autre. C’est évidemment complètement arbitraire, mais l’exercice de mémoire est amusant. Alors, selon l’expression consacrée, c’est parti pour le top 5 des livres qui ont compté un jour dans ma vie. Haute Fidélité - Nick Hornby (1995) J’ai 19 ans, aucune confiance en moi et je joue dans ce groupe de rock avec mes amis. Un jour on obtient ce plan impensable : on va enregistrer dans un studio. Juste avant de partir enregistrer à Liège - dans un studio ! -, je reçois ce petit bouquin coloré avec un vinyle sur la couverture : “ça devrait te plaire”. Un coup dans le mille, effectivement. A l’époque je vis aussi ma première vraie relation amoureuse, et c’est peu dire que ce roman qui cause de musique, d’amour et de lose, est tombé au bon moment. Usé comme il est, je l’ai probablement lu et relu plusieurs fois. ...

24.04.2021

Deux livres de Nnedi Okorafor

J’ai récemment terminé le premier tome de Binti, écrit par Nnedi Okorafor. Il s’agit d’un court roman de science fiction, type space opera. Nous y suivons une jeune femme, Binti, la première de son peuple invitée à prendre place au sein de la plus prestigieuse planète-université de la galaxie, étant donné ses talents hors du commun en mathématique. Contre l’avis de sa famille et de son peuple - résolument casanier - elle décide d’embarquer pour cette planète lointaine. Le voyage, toutefois, est brutalement interrompu lorsque le vaisseau est attaqué par des Méduses, une espèce extraterrestre, qui y massacrent l’équipage et dont seule Binti sort vivante. Or cette dernière exerce la fonction d’harmonisatrice, qu’on peut rapprocher de la diplomatie : une capacité bien pratique face à une espèce extraterrestre belliqueuse, mais très à cheval sur les principes. De là s’en suit une histoire dans laquelle la protagoniste se débat d’abord pour survivre, mais surtout pour comprendre le rôle qu’elle y joue. Ce premier tome aborde de nombreux sujets qui, pour la plupart, n’y connaissent pas de dénouement : il faudra pour cela attendre le tome 2, qui sort en français en mai prochain. ...

11.04.2021