En juin, un polar (et le reste)

J’ai célébré la première vague de chaleur de cet été cette fin de printemps par un polar mexicain, La vie même, signé Paco Ignacio Taibo II. Un roman sympathique dans lequel un chef de la police auteur de romans policiers s’emploie au moins autant à résoudre le meurtre d’une Américaine, qu’à garder vivante la flamme de la gauche à Santa Ana, “ville rouge”. Avec l’aide de ses adjoints et de divers responsables aux méthodes parfois originales, il fait face comme il peut aux assauts du parti gouvernemental, le PRI (qui, comme je l’ai appris pour l’occasion, était hégémonique au Mexique dans les années 80). Comme l’écrit lui-même le protagoniste dans ses notes : “Il s’agit d’un roman avec de foutus crimes, mais l’important ce ne sont pas les crimes, c’est (comme dans tout roman policier mexicain) le contexte.” ...

01.07.2021

Numérique - Marina & Sergueï Diatchenko

Numérique - Brevis est, par Marina et Sergueï Diatchenko, est le second tome du cycle des Métamorphoses, dont le premier opus n’est autre que le fameux Vita Nostra, qui m’a tellement plu en ce début d’année. Il ne s’agit pas d’une suite : il n’est plus ici question d’institut étrange ni de professeurs sadiques. Pourtant, on retrouve des ingrédients qui nous sont familiers. Arsène, le protagoniste, un adolescent dont la vie tourne principalement autour des jeux-vidéo, voit son quotidien changé lorsqu’il rencontre un inconnu : Maxime. Ce dernier lui propose de participer à un concours consistant essentiellement à tester des jeux nouveaux : s’il l’emporte, il pourra travailler pour lui. Cette fois-ci, on ne force personne, Arsène n’a à perdre que ses rêves de gloire. Toutefois, si ce dernier est un champion de la manipulation en ligne, Maxime n’est évidemment pas en reste. ...

19.06.2021

Les Livres de la Terre fracturée - Nora K. Jemisin

Au milieu de la production foisonnante que la dernière décennie nous a offert en matière de science-fiction, de fantasy et de fantastique, une autrice afro-américaine, Nora K. Jemisin, s’est démarquée au point de remporter trois années d’affilée (en 2016, 2017 et 2018) le Prix Hugo du meilleur roman. Ce prix, le plus prestigieux du genre, elle l’a obtenu pour La Cinquième Saison (2016), La Porte de Cristal (2017) et Les Cieux Pétrifiés (2018), qui composent ensemble la trilogie des Livres de la Terre fracturée. Les distractions se faisant rares, j’ai profité des derniers mois pour enfin m’y pencher. Le monde que nous y découvrons est bien mal en point. L’humanité occupe un unique continent et se compose de petites communautés fragiles. Peu de réelles villes, et pour cause : régulièrement, un cataclysme quelconque provoque un hiver apocalyptique d’une durée indéterminée. On appelle ça une Saison. Tremblement de terre, tsunami, activité volcanique : il faut être prêt à tout. Une partie de la population dispose pourtant du pouvoir de l’en protéger : les orogènes, capables de contrôler l’activité sismique, et plus globalement la pierre. Pourtant, ces derniers sont méprisés, rejetés voire tués, sauf si le pouvoir central les repère suffisamment tôt et les éduque - cruellement - afin de les utiliser à ses fins. ...

21.05.2021

Trois souvenirs SF

Dans la thématique des souvenirs, j’ai eu envie cette fois d’extraire de ma bibliothèque trois romans de science-fiction qui m’ont un jour fait voyager dans le temps ou l’espace. La faune de l’espace (A.E. van Vogt, 1950) Ce livre occupe une place particulière dans mes souvenirs : je l’ai probablement pioché un peu au hasard en librairie quand j’étais jeune ado, et n’ai découvert que des années plus tard qu’il s’agissait d’un classique du genre. La faune de l’espace est en fait un assemblage de nouvelles, réunies pour former une histoire complète. Cette dernière relate le voyage d’un vaste vaisseau spatial en mission scientifique à travers la galaxie, qui trouve sur son chemin des entités extérieures mystérieuses et potentiellement hostiles. L’équipage compte parmi ses nombreux membres une sorte de super-scientifique-psychologue-spécialiste-en-tout qui, malgré le scepticisme initial de l’équipage, s’avère évidemment précieux. Si l’ouvrage est daté (le livre sous cette forme est paru en 1950, mais certaines nouvelles datent de la fin des années 1930), il a manifestement conservé une bonne part de sa magie, notamment grâce à ses extraterrestres étranges et originaux. Pour l’anecdote, la ressemblance (discutable et discutée) entre l’un d’eux et le célèbre Xénomorphe d’Alien a d’ailleurs donné lieu à un procès entre A.E. van Vogt et la 20th Century Fox. ...

08.05.2021

Bilan d'avril

Ce mois-ci, j’ai lu le polar Après les chiens, écrit par la journaliste niçoise Michèle Pedinielli. La détective privée Ghjulia Boccanera (dite “Diou”) y enquête sur le meurtre d’un réfugié érythréen, tout en cherchant à élucider la disparition d’une jeune femme. L’histoire prend place après les événements de Boccanera (qui inaugure la série), qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu pour en comprendre l’intrigue, même si on retrouve avec plaisir quelques personnages connus. En toile de fond, il est ici question du traitement réservé aux demandeurs d’asile à la frontière entre l’Italie et la France : inutile donc de préciser que, si le récit est fluide et les protagonistes sympathiques, le sujet est plutôt lourd (après tout, on est dans un polar). Je me suis étonné de comprendre assez rapidement où tout cela allait, sans trop savoir si cela me décevait vraiment ou non. Pour autant, ce polar réserve quelques surprises bienvenues et m’a donné envie d’en lire d’autres (en particulier ceux de l’écrivain italien Andrea Camilleri, que dévore la narratrice). Et puis l’extrême-droite y prend pour son grade, ce qui fait toujours plaisir. ...

02.05.2021

Des livres qui ont compté

Regarder High Fidelity (la série adaptée l’année dernière du roman de Nick Hornby), m’a donné envie, outre d’écouter plein de musique, de faire une liste : une liste de livres qui ont occupé une place spéciale à un moment de ma petite existence et qui comptent donc encore d’une façon ou d’une autre. C’est évidemment complètement arbitraire, mais l’exercice de mémoire est amusant. Alors, selon l’expression consacrée, c’est parti pour le top 5 des livres qui ont compté un jour dans ma vie. Haute Fidélité - Nick Hornby (1995) J’ai 19 ans, aucune confiance en moi et je joue dans ce groupe de rock avec mes amis. Un jour on obtient ce plan impensable : on va enregistrer dans un studio. Juste avant de partir enregistrer à Liège - dans un studio ! -, je reçois ce petit bouquin coloré avec un vinyle sur la couverture : “ça devrait te plaire”. Un coup dans le mille, effectivement. A l’époque je vis aussi ma première vraie relation amoureuse, et c’est peu dire que ce roman qui cause de musique, d’amour et de lose, est tombé au bon moment. Usé comme il est, je l’ai probablement lu et relu plusieurs fois. ...

24.04.2021

Deux livres de Nnedi Okorafor

J’ai récemment terminé le premier tome de Binti, écrit par Nnedi Okorafor. Il s’agit d’un court roman de science fiction, type space opera. Nous y suivons une jeune femme, Binti, la première de son peuple invitée à prendre place au sein de la plus prestigieuse planète-université de la galaxie, étant donné ses talents hors du commun en mathématique. Contre l’avis de sa famille et de son peuple - résolument casanier - elle décide d’embarquer pour cette planète lointaine. Le voyage, toutefois, est brutalement interrompu lorsque le vaisseau est attaqué par des Méduses, une espèce extraterrestre, qui y massacrent l’équipage et dont seule Binti sort vivante. Or cette dernière exerce la fonction d’harmonisatrice, qu’on peut rapprocher de la diplomatie : une capacité bien pratique face à une espèce extraterrestre belliqueuse, mais très à cheval sur les principes. De là s’en suit une histoire dans laquelle la protagoniste se débat d’abord pour survivre, mais surtout pour comprendre le rôle qu’elle y joue. Ce premier tome aborde de nombreux sujets qui, pour la plupart, n’y connaissent pas de dénouement : il faudra pour cela attendre le tome 2, qui sort en français en mai prochain. ...

11.04.2021

Viendra le temps du feu - Wendy Delorme

Avec ce roman sorti en mars de cette année, Wendy Delorme prend d’abord le temps d’installer un monde d’une noirceur d’encre : une dystopie fermée, étouffante et a priori sans espoir, qui rappelle par moments La servante écarlate de Margaret Atwood. Alors que nous faisons connaissance avec leur univers, les protagonistes évoquent des souvenirs d’un temps qui valait (encore) la peine d’être vécu, rendant le présent d’autant plus insupportable. La proximité avec ce qui agite notre époque est par ailleurs flagrante : l’autrice n’a fait que pousser quelques curseurs un peu plus loin et installé les forces conservatrices les plus crasses au pouvoir, sur fond d’effondrement climatique. Mais ce roman n’est pas que sinistre : il réserve en effet de superbes passages, emplis d’amour et de sensualité. Sa lecture est de plus facilitée par un découpage en courtes sections de quelques pages seulement, grâce auxquels nous passons sans arrêt d’une narratrice à une autre. Bien sûr, l’opportunité de se plonger dans une dystopie est peut-être discutable en ces temps compliqués. Toutefois, Viendra le temps du feu comporte, en son cœur même, une solide dose de résistance (notamment féministe et LGBT+), qui en fait tout l’intérêt, nous permet d’envisager l’utopie et de respirer alors que nous frôlons l’asphyxie. ...

07.04.2021

Bilan de mars 2021

Littérairement parlant, c’est La volonté de se battre, troisième tome de la série Terra Ignota, qui m’a surtout occupé ce mois-ci. J’ai déjà évoqué ailleurs mon attachement tout particulier à cette série écrite par Ada Palmer, qui a réussi à construire un univers complexe et fascinant porté par une narration du même niveau. Trop semblable à l’éclair, premier tome de la série, m’a diverti du premier confinement ; Sept Redditions, sa suite, m’a sorti d’un été aux allures de drôle de guerre caniculaire. La volonté de se battre m’a-t-il fait oublier la montée de la troisième vague ? Et bien oui, merci. L’histoire avance, toujours portée par un narrateur dont on se demande tout de même parfois s’il ne joue pas volontairement avec nos pieds ou s’il n’est pas en train de complètement perdre les pédales. Ces facéties narratives nécessitent une véritable implication, mais sont pour moi un vrai plaisir. Qu’importe au fond si le narrateur est fou, j’ai envie de savoir ce qu’il veut me raconter et ce qu’il perçoit de son monde. Force est parfois d’admettre que quelques longueurs et flous artistiques peuvent rebuter les lecteurs et lectrices qui ne seraient pas d’emblée subjugués par l’univers décrit, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à en parler à tout le monde avec des étoiles dans les yeux. ...

31.03.2021

Vita Nostra - Marina & Sergueï Diatchenko

Vita Nostra appartient à cette catégorie de livres qui laissent une impression à part et, en ce qui me concerne, le besoin dévorant d’en discuter pour tenter (vainement) d’en épuiser le sujet. On y suit une jeune femme ukrainienne sur le point de commencer des études universitaires. Sauf que, pour une raison qui nous échappe, la voilà forcée de rejoindre un mystérieux institut dans une ville obscure. Quant à savoir ce qu’elle y apprendra, là se trouve une part de l’enjeu. Passé le premier contact cryptique et inquiétant avec ce nouvel établissement, commencent les pourquoi, les comment, les sentiments mêlés d’injustice, de révolte et de curiosité, et surtout cette obsession de continuer, fiévreusement, pour voir où diable cette histoire nous mène. Un bien étrange roman. ...

07.02.2021