Station Eleven - Emily St. John Mandel

J’ai repris mon rattrapage des romans d’Emily St. John Mandel. Cette fois-ci : Station Eleven., son best-seller, que j’ai entamé non sans une certaine appréhension. C’est qu’on attaque ici le genre post-apocalyptique, qui ne m’enthousiasme pas plus que ça. Le topo : dans un avenir proche, une sorte de grippe a éliminé 99% de la population humaine en quelques semaines, entraînant l’effondrement de toutes les infrastructures qui soutenaient la civilisation (des détails, comme l’électricité et l’eau courante). On peut reconnaître à cette maladie une forme d’honnêteté. Pas le temps de vous demander si ce petit rhume est un signe d’infection, si vous risquez de contaminer des proches par inadvertance - peut-être que devriez-vous faire un test ? - ou s’il faudrait vous isoler par prévention : si vous le chopez, vous êtes mort dans les deux jours, c’est tout. Mais laissons les épidémiologistes débattre de la plausibilité d’un tel scénario. ...

06.04.2024

Les monstres de Templeton - Lauren Groff

C’est peut-être son incipit, qu’on retrouve sur sa quatrième de couverture, qui m’a convaincu de lire Les monstres de Templeton. Nous allons donc le décortiquer en trois points. Le jour où je revins à Templeton, Le roman débute par le retour de Willie Upton dans sa petite bourgade natale, fondée par un certain Marmaduke Temple, dont elle a l’heureux privilège d’être la descendante. Dès la note introductive, Lauren Groff nous prévient : Templeton est en réalité le pendant fictif de Cooperstown, petite ville américaine de moins de 2000 habitants, où elle a grandi et sur laquelle elle voulait écrire sans y parvenir directement. C’est aussi le prétendu berceau du baseball et la ville natale de James Fennimore Cooper, auteur du Dernier des Mohicans, que je n’ai pas lu et auquel j’ai très certainement manqué de nombreuses références. ...

10.02.2024

La guerre des marionnettes - Adam-Troy Castro

J’ai déjà parlé d’Andrea Cort à deux reprises, mais je m’en voudrais de ne pas évoquer cette troisième parution en français pour cette série mélangeant science-fiction et enquêtes. Précisons tout de suite qu’il est plus que conseillé d’avoir lu les histoires précédentes pour en tirer le maximum. Composé de deux novellas (Les lames qui sculptent les marionnettes et La cachette) et d’un corps principal éponyme, La guerre des marionnettes peut sans souci se lire comme un tout cohérent. J’avais axé mon billet consacré à La troisième griffe de Dieu autour de quelques mots clés : malaise, dégoût, angoisse et enfer, tout en saluant la qualité d’écriture des personnages et leurs évolutions conjointes. Tout cela s’applique encore ici, en plus intense, même si on change de décor. On pourrait même s’arrêter ici : c’était à la fois abominable et super, merci. ...

13.01.2024

Mes petits préférés de 2023

Chaque fin d’année, j’aime revenir sur certains livres qui m’ont accompagné tout au long des douze derniers mois. Et comme d’habitude, leur année de parution n’a aucune importance. La séquence Aardtman, de Saul Pandelakis. Magistral. Il faudra bien que ce roman soit traduit, qu’il quitte l’univers francophone pour s’offrir à d’autres horizons linguistiques. En attendant, je suis content d’avoir eu la chance de découvrir ce livre, qui représente tout ce que j’aime dans la science-fiction et dans la littérature en général. Dans la maison rêvée, de Carmen Maria Machado. Marquant. Par sa forme, bien sûr, car chaque court chapitre est rédigé “à la manière de” (d’un roman noir, d’un livre dont vous êtes le héros…), bondissant de style en style. Mais aussi, surtout peut-être, marquant sur le fond. C’est une autobiographie, et plus particulièrement le récit d’une relation abusive. L’autrice y raconte comment sa compagne de l’époque a progressivement fait de sa vie un enfer. C’est un livre à la fois subtil, riche et implacable. ...

26.12.2023

Les flibustiers de la mer chimique - Marguerite Imbert

Deuxième roman de la Française et Guadeloupéenne Marguerite Imbert, Les Flibustiers de la mer chimique a reçu un accueil très chaleureux des lecteurs et lectrices francophones, empochant notamment le Grand Prix de l’Imaginaire 2023. Derrière ce nom, qui évoque de vieux romans d’aventure un peu surannés, se dévoile la promesse d’un voyage dangereux, de territoires hostiles et probablement de quelques espèces de pirates. Là-dessus, aucun mensonge sur la marchandise : nous sommes d’emblée cueillis par le naufrage d’un des protagonistes, Ismaël, à la dérive sur un radeau au milieu d’une mer toxique. Heureusement, lui et ses comparses sont bientôt recueillis par une pieuvre géante et un sous-marin atomique qui passait par là. A cette description, on comprend que l’autrice ne se prive pas d’un certain panache dans l’écriture de son univers post-apocalyptique. Loin d’être mort, ce monde grouille de vie, mais les humains y sont en nombre réduit et luttent pour leur survie au sein de communautés plus ou moins stables. En parallèle d’Ismaël, qui se débrouille à bord de son sous-marin baroque, on suit l’histoire d’Alba, jeune femme isolée récupérée au fond d’une grotte par des envoyés de Rome, où une sorte de civilisation semble vivoter. Particulièrement érudite pour son époque, elle semble souffrir de quelques troubles mentaux et posséder un égo démesuré. Elle est apparemment très importante pour Rome, ce qu’elle trouve tout à fait normal même si elle ne sait pas pourquoi. ...

03.12.2023

Le Grand Livre - Connie Willis

En matière de littératures de l’imaginaire, Connie Willis est une habituée des prix : onze prix Hugo, sept Nebula et douze Locus empochés entre le début des années 1980 et le début des années 2010, ce qui en fait probablement la personne la plus primée du genre. Le Grand Livre, à qui on s’intéresse aujourd’hui, a reçu les trois et est sorti en 1992. Ceci posé, voici l’idée générale : dans un futur proche, il est possible d’envoyer des gens dans le passé. Lorsqu’il s’agit d’étudier l’histoire, cette invention est bien sûr une formidable opportunité sur laquelle les universités telles qu’Oxford se sont jetées. L’autrice évacue tout de suite le problème des paradoxes temporels : c’est impossible, merci bonsoir (et tant mieux, on ne s’attardera pas sur cette question). Toutes les périodes ne sont toutefois pas aussi accueillantes, et s’il y en a une qui a été jusque là évitée comme la peste (vous allez voir, c’est une petite blague), c’est bien le Moyen Âge. Or Kivrin, jeune historienne enthousiaste, s’apprête à faire le grand voyage vers le XIVème siècle. Son mentor, un historien plus âgé, y est totalement opposé, mais la prépare à contrecœur, considérant que le responsable de ce projet est un incapable doublé d’un inconscient. On peut effectivement se demander s’il est vraiment raisonnable d’expédier qui que ce soit une trentaine d’années avant le déferlement de la peste noire. Toujours est-il que ce personnage nous décrit une époque qui, en tant que fidèle auditeur du podcast Passion Médiévistes, peut sembler exagérément sombre, triste, désespérée et pour tout dire un peu clichée. ...

30.10.2023

Les Cartographes - Peng Shepherd

Prévenons d’emblée : je n’ai pas du tout aimé ce livre. Au début, j’étais pourtant curieux : Nell, la protagoniste, enquête sur la présence incongrue d’une vieille carte routière dans les affaires de son père. Une carte sans intérêt qui, elle n’a jamais compris pourquoi, lui a valu son renvoi de la prestigieuse New York Public Library. L’événement a brisé sa carrière et sa vie d’autant plus violemment que c’est son propre père qui l’a mise dehors. Jusqu’ici, on a affaire à un mystère teinté d’affaire de famille assez banal, mais s’ajoute à cela une dimension fantastique quant à la nature des cartes elles-mêmes. Cet aspect fantastique puise son inspiration dans une anecdote que l’autrice raconte dans la postface. Une super anecdote historique, à vrai dire : l’histoire d’Agloe, un village imaginaire inscrit sur une carte dans le but de détecter d’éventuelles copies de celle-ci (car si le village n’existe pas il n’a aucune raison de figurer sur des cartes de concurrents). Or des habitants de la région ont fini par s’approprier son nom, le faisant ainsi exister. J’adore l’idée, j’aime malheureusement beaucoup moins ce qu’elle devient dans ce roman. Je n’ai tout simplement pas réussi à y croire, alors que je ne demandais que cela. ...

17.09.2023

Hildegarde - Léo Henry

Avec ce roman, je savais que je m’attaquais à quelque chose de spécial. Je m’attendais à un livre ardu, n’évoquant son principal sujet qu’à demi-mot, passant régulièrement du coq-à-l’âne et multipliant les passages à la limite du cryptique. Comme j’étais très intrigué, j’ai quand même eu envie de le lire. Hildegarde de Bingen, dont je n’avais pourtant jamais entendu parler, a vécu au XIIème siècle du côté de l’actuelle Allemagne. Multipliant les casquettes, elle était, je cite Wikipédia : à la fois abbesse, mystique, visionnaire, illustratrice, compositrice, poétesse, fondatrice et prédicatrice franconienne." C’était aussi “une figure marquant l’apogée de la médecine monastique à la fin du Haut Moyen Âge.” Un superbe CV, aujourd’hui presque suffisant pour décrocher un CDD à mi-temps. J’étais toutefois prévenu : de Hildegarde, il n’en serait pas vraiment question avant un paquet de pages. ...

02.09.2023

Le guet des orfèvres - Terry Pratchett

On ne présente plus le Disque-monde, l’univers de fantasy satirique auquel Terry Pratchett a donné vie à travers une bonne quarantaine de bouquins. J’essaye de mon côté d’en lire un de temps en temps, parce qu’en général ça me fait du bien. Pas vraiment dans l’ordre, plutôt en fonction des thèmes et des personnages que j’ai envie de rencontrer (le cycle étant composé de quelques romans indépendants et surtout de sous-séries avec leurs personnages récurrents). Cette fois-ci, j’ai eu envie de retourner voir le guet de nuit de la cité d’Ankh-Morpork. Je me suis donc procuré Le guet des orfèvres, pour y retrouver la petite troupe dirigée par le capitaine Sam Vimaire. ...

19.08.2023

Gideon la Neuvième - Tamsyn Muir

A certains égards, Gideon la Neuvième pourrait être un jeu-vidéo plutôt cool. On y incarnerait une guerrière badass et/ou une nécromancienne dans un immense palais décrépit. Elles y résoudraient des énigmes et affronteraient d’étranges ennemis, le tout dans un univers de dark fantasy mâtiné de science-fiction. A un univers étrange et bien fichu, la Néo-zélandaise Tamsyn Muir s’est permis d’ajouter une bonne histoire, des personnages étonnants et, finalement, décidé d’en faire un roman (après tout, les amateurs de jeux ont déjà les Dark Souls). Gideon, pour commencer, en impose. Excellente guerrière au caractère de cochon, elle ne désire rien d’autre que de fuir sa planète natale, la lugubre Neuvième Maison (les Maisons correspondant grosso modo aux neuf planètes du système impérial). Elle voue une haine aussi tenace que réciproque à Harrowhark, jeune et puissante nécromancienne avec laquelle elle se retrouve obligée de coopérer. En effet, l’Empereur appelle à lui ses Maisons et les voilà donc en route vers la capitale. A la clé : l’immortalité, probablement. ...

06.08.2023